Homélie du Père Charles Mallard – 22 novembre 2020

la réciprocité de l’Amour (archives)
Le Christ Roi de l’Univers – Année A
Ez 34,11-12.15-17 ; 1 Co 15,20-26.28 ; Mt 25,31-46
D’abord une chose m’a étonné, c’est de rapprocher la première lecture et l’évangile. Apparemment rien d’extraordinaire : le Seigneur est notre berger, dit la première lecture et nous serons jugés sur ce que nous avons fait aux plus petits, dit l’évangile.
Oui, mais approfondissons : dans la première lecture il nous est donc dit que le Seigneur est notre berger. Il veille sur nous comme un berger sur ses brebis. C’est lui qui cherche la brebis perdue et soigne la brebis blessée … C’est une très belle image bucolique, pour dire que le Seigneur veille sur nous et que nous pouvons compter sur lui, à la fois pour nous préserver dans notre bien-être et pour nous secourir dans nos difficultés ! Mais dans l’évangile la perspective semble un peu inversée. Sur quoi se joue le tri ? « J’avais faim et vous m’avez nourri, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, j’étais perdu et vous êtes venu à moi … j’étais malade et vous avez pris soin de moi » … C’est-à-dire que le Seigneur nous demande de veiller sur lui, le Seigneur a besoin de pouvoir compter sur nous ! Alors, qui veille sur qui ? Qui est le berger de qui ?
Il est déjà très beau que de s’apercevoir que notre relation à Dieu est à double sens : nous devons à Dieu ce que nous attendons de lui. Comme dans toute relation d’amour la sollicitude doit être réciproque, elle ne peut pas être à sens unique ! Ce qui veut dire que si le Seigneur est Roi de l’univers, nous participons d’une certaine manière à cette royauté … comme lui nous sommes rois de l’univers.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Les exemples de l’évangile nous l’enseignent : les pauvres, les malades, les prisonniers, les étrangers … c’est-à-dire tous ceux qui sont dans une situation de précarité, tous ceux qui ont un besoin : besoin d’amour ou besoin de nourriture, besoin de rencontre ou besoin d’attention … Nous entrons dans le dialogue d’amour avec le Christ Roi de l’univers lorsque nous nous soucions du monde, et spécialement de nos frères et sœurs qui ont besoin d’aide. Nous sommes rois dans le Christ Roi lorsque nous assumons vis-à-vis de ceux qui nous entourent ce rôle de gardien et de veilleur … ce rôle de berger.
Il ne s’agit pas bien sûr de se mêler de ce qui ne nous regarde pas, mais celui qui a besoin d’aide nous regarde ! Il ne s’agit pas d’indiscrétion mais d’attention. Il ne s’agit pas de voyeurisme mais de générosité. A vrai dire, si nous sommes vraiment honnêtes vis-à-vis de nous-mêmes nous ne nous tromperons pas. L’indiscrétion, le voyeurisme, se mêler de ce qui ne nous regarde pas, c’est aller vers l’autre sans être trop dérangé : ça ne touche à pas grand-chose en nous. En revanche aider ceux qui sont dans le besoin, être attentif aux autres, être généreux, c’est quelque chose qui nous dérangera, qui nous bousculera, qui nous demandera beaucoup et nous apportera peu !
Voilà pourquoi la fête du Christ Roi termine le temps dit ordinaire … parce que c’est dans l’ordinaire de notre vie que nous avons à entrer dans cette réciprocité royale avec le Seigneur. Et aujourd’hui nous sommes invités à regarder un peu en arrière … à nous souvenir de notre année, à nous souvenir non pas des grandes fêtes, mais de l’ordinaire de notre temps : Qu’avons-nous fait de nos frères ? Qu’avons-nous fait du Christ ?
Et si, comme il est probable, nous nous trouvons légers par rapport à la Parole de Dieu … alors nous sommes prêts à entrer dans le temps de la purification, dans le temps de la conversion, dans le temps de l’attente d’une venue : celle du Seigneur !