Père Charles Mallard-Deux types de choix

Deux types de choix
21° dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Jos 24,1-2.15-17.18 ; Ps ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6,60-69
Quel contraste entre la première lecture et l’évangile ! A l’assemblée de Sichem, le témoignage d’un petit groupe entraîne l’adhésion de la foule, tandis qu’à Capharnaüm la plus grande partie des disciples abandonne Jésus et il ne reste que le petit groupe des Douze. Certes, cela nous vaut l’admirable réponse de Pierre « à qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle », mais cela a dû être un choc pour ceux qui restaient, et de fait, cela représente un tournant important dans la vie publique de Jésus.
Si l’histoire de Sichem manifeste que la foi comporte un choix, le contraste entre la défection de la foule et la fidélité des Douze nous permet de comprendre qu’il y a deux types de choix : les petits choix qui peuvent changer et qui ne résistent pas aux difficultés, et les grands choix qui donnent l’impulsion permettant de dépasser tous les obstacles. Pour prendre une image, les petits choix sont les décisions que prend le barreur pendant la traversée, tandis que le grand choix est celui qui décide du voyage et de la destination à atteindre. Les petits choix sont de l’ordre de la réaction, les grands choix de l’ordre de la vocation. Quand tout va bien les petits choix développent et expriment le grand choix, mais ils ne suffisent pas à garantir qu’on arrivera à bon port, surtout si les vents sont contraires ! Inversement le grand choix est important, mais il restera un rêve si l’on ne met pas tout en œuvre dans les petits choix pour l’incarner, y compris en les corrigeant lorsqu’ils nous éloignent du but que l’on s’est fixé.
Cela dit, comme vous n’êtes pas venus pour prendre une leçon de navigation, voyons comment cela peut éclairer notre vie spirituelle. La première question que l’évangile nous pose est de savoir si notre foi et notre attachement au Seigneur est de l’ordre du petit choix ou du grand choix. Les disciples qui accompagnaient Jésus jusqu’à Capharnaüm avait fait le choix de le suivre. Ils aimaient sa compagnie, appréciaient ses paroles, admiraient ses actions … tant que ça les arrangeait. Ça ne veut pas dire qu’ils n’aient pas fait d’effort. On peut penser que certains le suivaient depuis deux ans. Mais il s’agissait – pour reprendre l’expression du Seigneur – d’un choix selon la chair, d’un petit choix. Il reste commandé par les émotions et les idées. Et voilà qu’arrive un moment où ils trouvent la parole trop rude. « Qui peut l’entendre ? » demandent-ils. Au contraire, la réponse de Pierre révèle que les Douze suivent le Christ par un grand choix, car elle souligne les enjeux : la vie éternelle. Pour eux Jésus n’est pas seulement un personnage sympathique mais le Saint de Dieu. Ils ont choisi selon l’esprit. Et nous ? Pourquoi suivons-nous Jésus ? Par habitude ? Par plaisir ? Par convenance ? Par entrainement ? Tout cela est très bien, mais cela reste selon la chair. Si nous voulons durer, il faut réaliser que le Christ a les paroles de la vie éternelle et non pas seulement une sagesse pour une vie bonne.
Et nous voilà devant une deuxième question : comment pouvons-nous choisir selon l’esprit ? Il y a fort à parier que Pierre et les Douze ont été aussi ébranlés que les autres par la parole de Jésus, et pourtant ils refont le choix de le suivre. Car c’est leur grand choix qui guide leur petit choix. L’histoire du peuple de Dieu nous rappelle qu’il a fallu renouveler la décision de Sichem au cours du temps. De la même manière, les consacrés doivent renouveler leur consécration, comme les mariés doivent renouveler leur engagement. Pas seulement lors d’une grande fête anniversaire, mais dans les difficultés de la vie, lorsque les épreuves lassent et que les contrariétés fatiguent, lorsqu’on a envie de tout laisser tomber et qu’il semble que ce serait plus facile si on faisait autrement. A ce moment-là ce ne sont plus nos sentiments qui commandent, mais la parole de Dieu, ce n’est plus le confort que l’on vise mais la vie éternelle. Choisir selon l’Esprit, c’est accepter de choisir à nouveau, accepter aussi de corriger les mauvais choix. Car dans sa miséricorde le Seigneur ne nous enferme pas dans les choix selon la chair, il permet que notre vie éternelle ne se détermine pas à l’instant de nos réactions mais au déploiement de notre vocation.
Les textes que nous venons d’entendre nous replacent à Sichem ou à Capharnaüm. Ils nous reposent la question de Josué et celle de Jésus : « Qui voulez-vous servir ? Où voulez-vous aller ? ». N’hésitons pas à refaire le grand choix de notre baptême, pour faire ce que Dieu nous demande, corriger ce qui nous a éloigné du Seigneur et découvrir ce qu’il nous propose.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle garde nos yeux fixés sur la vie éternelle qui nous est promise. Trône de la Sagesse qu’elle garde nos cœurs à l’écoute de la Parole du Seigneur. Mère du bel Amour qu’elle garde nos vies fidèles au don de Dieu, pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.