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Père Charles Mallard-Deuxième dimanche de Carême : Du baptême à la gloire

28 février 2021

Du baptême à la gloire

2° Dimanche de Carême – année B

Gn 22,1-18 ; Rm 8,31b-34 ; Mc 9,2-10

Le récit de la Transfiguration est l’évangile du deuxième dimanche de carême. Que ce soit chez Matthieu, Marc ou Luc, nous l’entendons tous les ans … et peut-être avons-nous l’impression de le connaître par cœur. Jésus sur la montagne, entouré de Moïse et d’Elie –représentant la Loi et les Prophètes – de l’autre côté, Pierre, Jacques et Jean qui sont un peu dépassés par les événements.

Cette Transfiguration annonce la Résurrection, elle est donnée comme du pain pour la route. Juste après que Jésus ait annoncé à ses disciples qu’il fallait que « le Fils de l’homme souffre qu’il soit rejeté par les anciens, qu’il soit tué et que le troisième jour il ressuscite ». La Transfiguration constitue pour les disciples comme un avant-goût de la gloire vers laquelle conduit un chemin difficile qui passe par la souffrance. C’est sans doute aussi pour ça que la scène nous est rappelée au début du carême : pour nous rappeler ce vers quoi nous marchons.

Or la Transfiguration est l’un des deux moments de l’évangile où se manifeste la voix du Père, l’autre moment étant le baptême du Seigneur dans le Jourdain. Risquons une comparaison des deux récits pour mieux comprendre le chemin qui va du baptême jusqu’à la gloire, puisque c’est en quelque sorte la thématique du carême.

Il y a une première différence : le mouvement de l’événement. Le baptême a lieu dans l’eau du Jourdain, donc en bas, tandis que la transfiguration a lieu au sommet d’une montagne, donc en haut. Le baptême nous révèle que Dieu s’est abaissé jusqu’à nous, jusqu’au plus humble d’entre nous. Mais, si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme devienne Dieu. Si Jésus est descendu dans les eaux du Jourdain, c’est pour nous conduire au sommet de la montagne, cette montagne qui est le lieu où l’homme rencontre Dieu. Dans la tradition d’ailleurs, Moïse et Elie ont rencontré Dieu au sommet de la même montagne : l’Horeb. C’est là que Dieu a donné la loi, c’est là qu’il est apparu dans le murmure d’une brise légère.

Une deuxième différence c’est l’assistance. Le baptême se fait au milieu de la foule, avec tous ceux qui venaient voir Jean, mais il n’y a aucun témoin : l’évangéliste ne cite aucun nom ! Tandis que la transfiguration a lieu dans le désert, dans la solitude, loin de la foule, mais avec trois témoins bien connus de tous : Pierre, Jacques et Jean. Si Dieu nous rejoint dans l’anonymat de la foule, il nous invite à le rencontrer dans l’intimité, dans une certaine solitude où chacun de nous est important, où nous sommes appelés par notre nom, où le regard de Dieu qui se pose sur nous nous fait comprendre que nous sommes uniques à ses yeux, que c’est bien à nous personnellement qu’il s’adresse.

Enfin les paroles qui viennent d’en-haut sont aussi différentes. Au baptême la voix s’adresse à Jésus « Tu es mon fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour » tandis qu’à la transfiguration, la voix s’adresse à nous « Voici mon fils bien aimé, écoutez-le ». Si en lisant le récit du baptême nous sommes spectateurs, en lisant le récit de la transfiguration nous voilà devenus acteurs, interlocuteurs de Dieu.

Alors, en ce temps de carême, nous sommes invités à vivre cette expérience de la transfiguration. Non pas en ayant une hallucination ou je ne sais quelle vision mystique, mais en accomplissant dans notre vie ce mouvement qui a conduit Pierre, Jacques et Jean sur la haute montagne.

Monter un sommet est toujours une expérience d’effort et d’ascèse. Il ne s’agit pas tellement de se dépouiller, mais plutôt de se purifier. Par le jeûne et l’abstinence, par une certaine sobriété dans notre vie, nous sommes invités à aller à l’essentiel, non pas en abandonnant, mais en nous dépassant, en allant plus haut, plus loin. Un peu comme Abraham, qui croyait être en train de perdre son fils, alors qu’il recevait toutes bénédictions.

Il nous faut vivre cette expérience dans une relation vraiment humaine. Sortir de la foule, pour nous retrouver dans l’intimité, là où l’on peut nommer ceux qui nous accompagnent. Et c’est le sens du partage que de regarder l’autre, celui qui est dans le besoin, avec le regard de Dieu, en faisant attention à lui. Il ne s’agit pas de laisser tomber une pièce n’importe où à n’importe qui, Le partage du carême n’est pas une aumône anonyme, il est l’avant-goût de la communion des saints.

Enfin ce temps est l’occasion d’entendre à nouveau la Parole de Dieu, d’écouter le Fils bien aimé. Car la prière n’est pas tellement le moment où l’on parle, que le moment où l’on écoute. Il ne s’agit pas du bureau des réclamations, mais de se remettre face au Seigneur, pour un dialogue, un cœur à cœur où nous savons que nous avons tout à apprendre de Dieu, et que pour cela il faut commencer par l’écouter.

Comme pour les apôtres, la Transfiguration nous indique le but de notre marche : nous sommes invités à habiter avec Dieu, mais il est encore trop tôt pour dresser la tente.  Il nous faut par le jeûne, le partage et la prière, gravir le chemin des jours, faire un effort pour nous attacher aux choses d’en haut, faire un effort dans nos relations les uns avec les autres, faire un effort pour écouter la Parole de Dieu.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle nous montre quels abaissements nous élèveront jusqu’à la présence de Dieu ; Mère admirable qu’elle nous apprenne à partager la sollicitude du Seigneur ; Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous rende disponibles à l’Évangile, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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