Père Charles Mallard-Dieu se remet entre nos mains
Dieu se remet entre nos mains
Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – année C
Gn 14,18-20 ; Ps 109 (110) ; 1 Co 11,23-26 ; Lc 9,11b-17
Je sens votre curiosité aiguisée sans pour autant renoncer à la logique. En quoi donc la rencontre d’Abram et de Melkisédek est-elle une figure eucharistique ? Sans doute la nature du sacrifice offert pour célébrer la victoire n’est-elle pas pour rien : le roi de Salem offre en effet du pain et du vin, ce qui nous rappelle quelque chose ! Mais il est intéressant aussi de noter que Melkisédek est, dans l’histoire biblique, le premier prêtre … et pour la première fois dans la Bible aussi, c’est un homme qui bénit alors que jusqu’à présent c’était le Seigneur lui-même qui bénissait … Il y a donc bien quelque chose qui annonce l’alliance entre Dieu et les hommes sous le signe du pain et du vin.
Évidemment, il ne s’agit que d’une figure, c’est-à-dire de quelque chose qui annonce et fait comprendre une partie du mystère. De la même manière la multiplication des pains que nous avons entendue dans l’évangile est aussi une figure de l’Eucharistie. On le voit clairement aux mots employés : « Jésus prit les cinq pains (et les deux poissons) et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction, les rompit et les donna à ses disciples » …là encore ça nous rappelle quelque chose ! Et pour ceux qui hésiteraient encore, la deuxième lecture rappelle justement l’institution de l’Eucharistie, qui à l’époque de saint Paul est déjà vécue régulièrement par les chrétiens, puisqu’il en souligne le sens et l’origine : « j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur et je vous l’ai transmis ».
Ainsi, la liturgie de la Parole éclaire d’une manière particulière le mystère que nous célébrons aujourd’hui. Elle nous rappelle la confiance que Dieu nous fait en se remettant entre nos mains. Dieu se rend présent à nous dans la simplicité, et même dans la banalité du pain et du vin. Mais cette présence nous sollicite et nous engage. Sa bénédiction d’Abraham passe par les mots de Melkisédek, et Jésus demande aux apôtres : « donnez-leur vous-mêmes à manger ». Bien sûr, c’est toujours la puissance du Seigneur qui se déploie, mais elle est confiée à l’action des hommes.
C’est déjà un grand mystère que de réaliser cette confiance du Très-Haut qui se remet entre nos mains. Et nous pouvons déjà nous émerveiller de cette prévenance de Dieu qui se rend à ce point accessible. Mais nous pouvons comprendre qu’à cette confiance du Seigneur doit répondre une disposition particulière de l’homme qui d’une certaine manière devient responsable du Don de Dieu. Cependant cette responsabilité ne concerne pas seulement ceux qui sont chargé de distribuer la grâce en son nom. C’est pourquoi saint Paul rappelle aux Corinthiens leur propre responsabilité : « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » et le texte continue par un verset qu’il est un peu dommage qu’on ne lise jamais à la messe : « Et celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur ».
Fêter le Saint-Sacrement, ce n’est pas seulement s’extasier devant la grandeur du trésor qui nous est proposé, c’est aussi accepter que ce qui nous est donné nous engage. Si Dieu se remet entre nos mains, ce n’est pas pour nous gonfler de l’orgueil d’une faveur inouïe, c’est pour que nous puissions témoigner de son amour généreux. Il ne suffit pas de multiplier les gestes de vénération : c’est ce tout ce que nous faisons et tout ce que nous sommes qui doit retentir de sa Parole et resplendir de sa Présence.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous apprenne à recevoir le Corps du Christ. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle ouvre nos cœurs à la présence de celui qui se donne à nous. Trône de la Sagesse qu’elle nous montre comment se laisser transformer par le Don de Dieu. Mère du Bel Amour qu’elle nous fasse rayonner de ce que nous avons reçu, pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.