Père Charles Mallard-Epiphanie du Seigneur-Connaître le mystère

Connaître le mystère
Epiphanie du Seigneur
Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3. 5-6 ; Mt 2,1-12
Pour assister à un événement, il faut connaître la date et le lieu. Or il se trouve que les mages connaissent la date, les grands prêtres et les scribes connaissent le lieu. N’est-ce pas une belle image de la manière dont Dieu se révèle : en partageant les différents éléments, de telle façon qu’on doit s’écouter les uns les autres pour accéder à l’ensemble. En cette année où nous sommes invités à entrer dans la démarche synodale, c’est une illustration puissante de la nécessité de se rencontrer, pour parler et écouter. C’est un élément fondamental de la vie spirituelle : personne n’a l’exclusivité de la Parole de Dieu ! Celui qui croit détenir la vérité et se dispense d’écouter les autres, finit immanquablement par adorer ses propres idées. Inversement, celui qui ne ferait qu’écouter, en taisant ce que le Seigneur lui confie, finit aussi par croire n’importe quoi et suivre n’importe qui ! C’est d’ailleurs la nature de l’Église, de nous donner accès au mystère de Dieu, non pas dans l’uniformité des semblables, mais dans la communion des diversités.
Mais, me direz-vous, Hérode connaissait lui aussi la date et le lieu, et pourtant il n’est pas arrivé jusqu’à la présence de Dieu. Passons sur l’ambiguïté de ses intentions ; passons aussi sur le fait qu’il convoque les mages en secret, ce qui est rarement signe d’une volonté de partager. La vraie limite de la « connaissance » d’Hérode, c’est qu’il reste extérieur et spectateur. Il ne se donne pas la peine de s’investir dans cette connaissance. Comme si elle restait dans la tête et n’allait pas jusqu’au cœur. Dans la Bible, connaître c’est toujours s’engager. Hérode est l’image d’une connaissance qui pense déléguer. Mais pour aller jusqu’au mystère de Dieu, il y a des recherches que nous ne pouvons pas déléguer aux autres. On ne rencontre pas le Seigneur par procuration, on ne peut pas être spectateur de l’épiphanie : il faut en être acteur. Les plus belles explications théologiques ou spirituelles ne peuvent pas nous exempter de nous impliquer personnellement. La foi chrétienne est une école de responsabilité, parce que nous réalisons qu’il y a des démarches que personne ne peut faire à notre place.
L’évangile se termine par une remarque saisissante : « ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Certes, cela explique la fureur du roi et le drame du massacre des saints innocents, mais cela nous indique aussi une caractéristique importante d’une authentique connaissance du mystère : elle nous transforme, elle modifie nos habitudes et nous conduit par un autre chemin. Il y a quelque chose de très beau dans les dispositions des mages. Ils sont disponibles, non seulement aux indications des sages d’Israël, non seulement à leur propre observation de l’étoile qui les guide, mais aussi au conseil de ce songe, dont nous comprenons facilement qu’il vient de Dieu. Il paraît évident que s’ils étaient allés trouver Hérode, celui-ci aurait utilisé cette connaissance pour faire ce qu’il avait décidé. Or la connaissance du mystère n’est pas là pour servir notre volonté, c’est notre volonté qui se met au service du mystère que l’on connaît.
Nous célébrons aujourd’hui l’épiphanie du Seigneur, la manifestation du mystère du Salut. Mais cette manifestation ne s’impose pas, elle se propose à notre connaissance, et pour connaître le mystère, il faut partager ce que Dieu révèle à chacun, il faut accepter de s’engager pour aller jusqu’à la Rencontre, il faut rester disponible à se laisser transformer par celui que nous découvrons.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère de l’Église, qu’elle nous apprenne à accueillir ceux qui marchent avec nous vers le Père ; Reine des saints qu’elle soutienne nos engagements à la suite du Christ ; Humble Servante du Seigneur qu’elle nous rende disponibles au souffle de l’Esprit pour que nous puissions rayonner de la gloire de Dieu, et servir la paix sur terre dès maintenant et pour les siècles des siècles.