Père Charles Mallard-Homélie de la Messe de la nuit de Noël

Le chemin de Noël
Messe de la nuit de Noël
Is 9, 1-6 ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14
Cette première étape est importante : celui qui se rappelle d’où il vient s’autorise à savoir où il va. La mémoire n’est pas la prison du passé, mais la clé du présent. Pour que la fête ne soit pas l’éclair éphémère d’un moment, pour que la joie ne soit pas l’illusion creuse d’un égoïsme, nous prenons la peine, cette nuit, de nous souvenir que la présence de Dieu a commencé par la naissance d’un enfant. Le salut se promet comme une vie qui commence, la grâce se propose comme la fragilité désarmante d’un nouveau-né.
Or voilà que le temps où Marie devait enfanter fut accompli. Mais l’enfant est couché dans une mangeoire car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Il y a quelque chose de saisissant dans cette solitude. Le Roi des rois vient au monde dans l’indifférence générale, loin de l’agitation de la foule. Plus qu’à d’autres époques, sans doute, nous sommes sensibles cette année à la souffrance de l’isolement, à la tristesse de ne pas pouvoir être avec d’autres. Et voilà que le chemin de Noël nous invite à passer par cette étape de la solitude. Comme pour nous prévenir qu’il y a toujours une distance entre le monde et Dieu, entre la multitude et l’essentiel.
Il est vrai qu’un nouveau-né est sans doute plus tranquille dans le calme d’une étable que dans le tumulte d’une auberge. Alors cette image de la crèche peut nous rappeler que Dieu vient plus volontiers dans l’intimité d’une rencontre que dans la dispersion de la foule : il se fait ainsi accessible à tous, pour que les mal-aimés du monde soient les bien-aimés du Seigneur. Le salut n’est pas un mouvement de masse, la grâce vient déployer ce qu’il y a de plus personnel en nous.
Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. C’est à eux que l’ange vient annoncer la bonne nouvelle, c’est pour eux que retentit la parole de Dieu. C’est la troisième étape du chemin de Noël : l’écoute de la Parole de Dieu. Il ne s’agit pas juste de réentendre l’histoire comme on raconte un évènement. Le rappel de la promesse d’Isaïe, la prière du psaume, la méditation de Saint Paul sont aussi appelés à résonner dans nos cœurs en cette fête de Noël, comme résonneront d’autres textes à la messe du jour, comme résonne aussi la Parole de Dieu dans la messe où l’on met en pratique le commandement du Seigneur « faites ceci en mémoire de moi ».
C’est qu’il ne s’agit pas seulement d’observer une tradition, d’accomplir un rite ou de se livrer à un exercice de méditation. Dieu est venu dans le monde pour que nous puissions le rencontrer, et pour que la rencontre soit belle, il est mieux qu’on se parle ! Comment reconnaître le Sauveur dans l’enfant de la crèche, si personne ne le dit ? Comment attendre le salut si l’on n’entend pas la promesse ? Comment accueillir la grâce sans qu’elle ne soit proposée ?
Et soudain, une troupe céleste innombrable loue Dieu en disant « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ». C’est l’aboutissement du chemin de Noël : la contemplation de la gloire de Dieu. Une gloire qui n’est pas seulement au plus haut des cieux mais qui se communique dans la paix sur la terre. L’enfant a pour nom « Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince de la Paix ». C’est pour que nous puissions découvrir sa sagesse, sa puissance, son amour et sa paix, que nous faisons mémoire de sa venue, que nous retrouvons dans l’intimité le murmure d’une brise légère, que nous écoutons sa parole. Au cœur de cette nuit, le Seigneur vient jusqu’à nous pour que nous puissions le contempler, pour que nous puissions laisser sa présence guider et transformer nos vies.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accueille dans la crèche de Bethléem pour que resplendisse dans nos cœurs la gloire du Seigneur. Héritière de la Promesse, qu’elle ravive en nous le souvenir des merveilles de Dieu ; Mère admirable, qu’elle nous rende attentifs à la présence qui nous aime ; Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle fasse résonner en nous la Parole pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.