Père Charles Mallard-Homélie du dimanche de la Sainte Famille

Dieu concerné par la famille
Dimanche de la Sainte Famille – année B
Gn 15,1-6 ; 21,1-3 ; He 11, 8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40
Le dimanche qui suit Noël, nous fêtons la Sainte Famille. Dans le cadre de cette semaine où nous approfondissons le mystère de la naissance du Seigneur, il y a quelque chose d’assez naturel à s’intéresser à ceux qui entourent l’enfant né dans la crèche de Bethléem. Jésus n’est pas un enfant trouvé, laissé seul à la merci des rigueurs du temps ou de la compassion des passants : c’est au cœur d’une famille, qu’il grandit et se fortifie, rempli de sagesse. Au commencement de sa prédication, c’est comme fils de Joseph, le charpentier, qu’il est connu à Nazareth ; et Marie, qui l’accompagne jusqu’au pied de la croix, qui demeure avec les apôtres après l’Ascension est bien identifiée comme sa mère. Tout cela est bien normal, me direz-vous. C’est vrai. Mais il est bon parfois de se rappeler les évidences surtout quand il s’agit de réalités fondamentales. Or l’histoire, pas si ancienne que ça, nous enseigne que tous les totalitarismes ont cherché à détruire la famille pour mieux manipuler les gens et soumettre la société à leurs idéologies.
Cela dit, en évoquant l’histoire d’Abraham, les lectures que nous avons entendues nous permettent de réaliser que la famille n’est pas une affaire seulement biologique. L’auteur de la lettre aux Hébreux insiste sur la foi d’Abraham et de Sara, et la Genèse nous rappelle l’importance de l’action de Dieu : c’est le Seigneur qui permet que le couple devienne famille et qui assure à celle-ci sa stabilité et sa continuité. Nous sommes donc invités à ne pas considérer la famille comme quelque chose de purement mécanique ou sociologique, mais comme un lieu spirituel. Pendant 30 ans, c’est la sainte famille qui a été l’Église, c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui sont rassemblés par le Christ. Aussi peut-on dire que la famille est une petite église, et que l’Église est une grande famille.
Certains objecteront que la vie de famille n’est pas toujours paisible et qu’elle peut être source de grandes tensions et de souffrances pénibles. Sans doute, faut-il se garder du piège d’un monde médiatique : de même qu’on ne parle que des trains qui arrivent en retard, de même les journaux évoquent surtout les drames familiaux. Mais s’il ne faut pas exagérer, il ne faut pas non plus minimiser, et la famille est une chose tellement importante que les dysfonctionnements y sont plus douloureux. Ça n’empêche pas que le Seigneur y ait sa place. Au cœur même de l’évangile d’aujourd’hui, au milieu des bénédictions de Syméon et des louanges d’Anne, fille de Phanuel, on trouve cette parole terrible adressée à Marie : « ton âme sera traversée d’un glaive ». Ainsi, l’enfant qui a inspiré à Marie la joie qu’elle chante dans le Magnificat sera aussi celui qui provoquera en elle la douleur la plus vive. On peut trouver le compliment incongru, mais c’est pourtant le rappel du cœur de notre foi : la présence de Dieu est inséparable du mystère de Pâques. C’est parce que la vie de famille est faite d’ombres et de lumières qu’il est important d’être attentif à sa dimension spirituelle. Pour ne pas se laisser griser par les lumières, pour ne pas se laisser désemparer par les ombres.
En célébrant la Sainte Famille, nous sommes conduits à réaliser combien le Seigneur est concerné par la famille. Nous en sommes les acteurs, mais nous n’en sommes pas les auteurs. C’est Dieu qui nous donne une famille que nous recevons par la vie mais aussi dans la foi. A travers ceux qui partagent avec nous le quotidien de la vie ordinaire et les caprices de l’histoire, le Seigneur nous confie les uns aux autres pour que chacun puisse grandir et se fortifier dans la grâce. Dans les joies de l’affection, il nous annonce la consolation ; dans les difficultés de la proximité, il nous propose la délivrance ; en toutes choses il nous invite à voir le salut préparé à la face des peuples, à contempler la lumière qui se révèle aux nations.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère du Sauveur, qu’elle protège et guide nos familles pour qu’elles soient des foyers de sainteté. Fille de Sion, qu’elle nous garde fidèles à reconnaître la présence du Seigneur dans ce que nous vivons. Consolatrice des affligés, qu’elle nous apprenne à accueillir le don de Dieu pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.