Père Charles Mallard-La bande annonce de l’Evangile

31 janvier 2021
La bande annonce de l’évangile
Dt 18, 15-20 ; Ps 94 (95) ; 1 Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28
La scène que nous venons d’entendre nous est familière : Jésus qui enseigne, suscite l’interrogation ou l’admiration, une petite passe d’arme avec les esprits mauvais, ce n’est pas ce qui manque tout au long de sa vie publique. Pourtant, il s’agit ici du début de l’évangile selon saint Marc : juste après le baptême par Jean et l’appel des disciples. On peut penser que l’évangéliste l’a placée ici, un peu comme une bande annonce, pour susciter l’intérêt des lecteurs et les amener à être attentifs à l’enseignement du Seigneur. Considérons-le donc comme le mode d’emploi pour profiter de cet enseignement, d’autant que les commentaires de la foule en soulignent les caractéristiques et les vociférations de l’esprit impur nous avertissent de ce qu’il ne faut pas faire, puisqu’il est évident qu’on ne doit jamais prendre exemple sur un esprit impur !
Ceux qui ont assisté à la scène, commentent entre eux : « voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ; il commande et tous lui obéissent ». Nous avons donc trois caractéristiques : la nouveauté, l’autorité et la puissance. En contrepoint, l’esprit mauvais interpelle Jésus : « que nous veux-tu ? » c’est la suspicion ; « es-tu venu pour nous perdre ? » c’est l’accusation ; « je sais qui tu es » c’est l’arrogance. Voyons donc ce qui nous permettra d’accueillir la nouveauté sans suspicion, l’autorité sans accusation ; la puissance sans arrogance.
D’abord il y a la nouveauté. Sans doute est-il facile d’admettre que l’enseignement de Jésus était nouveau à l’époque, mais nous avons tendance à penser qu’aujourd’hui, après deux mille ans de christianisme, cet enseignement est désormais bien connu. C’est un peu dommage d’enfermer l’évangile dans nos habitudes et nos préjugés, car il y a toujours des choses à découvrir dans la Parole de Dieu. Un proverbe rabbinique dit que la Parole est comme un arbre où l’on peut venir chaque jour cueillir un fruit nouveau. Or si la nouveauté peut susciter l’enthousiasme, elle peut aussi être dérangeante, et l’actualité nous montre de manière un peu appuyée combien il est facile de réagir par la suspicion à toute disposition nouvelle. « Que nous veux-tu ? » disait l’esprit tourmentant l’homme de Capharnaüm. Bien sûr, il est prudent de n’être pas systématiquement disponible à ce qui est nouveau, mais il s’agit pour nous, ici, de la nouveauté qui vient de Dieu. Et si l’on peut se méfier des hommes, il n’y a pas de raison de se méfier de Dieu. La première disposition qui nous est proposée est donc la foi, cette confiance en Dieu qui nous rend disponible à la Révélation, à la nouveauté de l’évangile.
Ensuite, il y a l’autorité. Jésus n’enseignait pas comme les scribes, qui systématiquement s’abritaient derrière leurs prédécesseurs, quitte à en inventer un pour couvrir une interprétation originale. L’autorité appelle l’obéissance. La Parole de Dieu n’est pas faite pour nous faire rêver ou pour nous divertir, mais pour que nous la mettions en pratique. Or l’esprit mauvais va chercher à saper cette autorité par l’accusation : « es-tu venu pour nous perdre ? ». Accuser le Sauveur de chercher à nous perdre … y a-t-il opposition plus violente ? Nous mesurons ici l’importance du but dans l’obéissance : on obéit à celui qui peut nous conduire jusqu’au but recherché. En vue de quoi sommes-nous chrétiens ? Pour quel but suivons-nous Jésus ? La deuxième disposition qui nous est proposée pour accueillir l’enseignement du Seigneur et pour lui obéir, c’est l’espérance, le désir de la vie éternelle. Comme dira saint Paul, si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes[i]
Enfin, il y a la puissance. Les gens de Capharnaüm remarquent que les esprits impurs obéissent aux commandements de Jésus, mais nous comprenons facilement que ceux-ci ne le font pas de leur plein gré et qu’ils y sont contraints ! Alors l’esprit qui est chassé de l’homme tourmenté réagit par l’arrogance « je sais qui tu es », mais en vérité, il ne sait rien de précis. Ne croyons pas qu’il dise la vérité, le titre qu’il utilise n’a aucun sens dans la tradition biblique. On ne le retrouve nulle part. Fils de Dieu, Messie de Dieu, Saint d’Israël, le Saint, ça veut dire quelque chose, mais « le Saint de Dieu » c’est n’importe quoi ! Pathétique diversion pour masquer son impuissance. Au contraire, nous sommes invités à suivre le Christ, à obéir à sa parole, non pas sous la contrainte, mais dans la liberté que donne l’amour. C’est pourquoi la Charité est la troisième disposition qui permettra que l’enseignement du Seigneur nous élève et nous fasse grandir.
Au début de son évangile saint Marc nous rapporte l’épisode de la synagogue de Capharnaüm pour nous disposer à accueillir l’enseignement de Jésus. Il est la miséricorde annoncée par Moïse pour porter la parole de Dieu à ceux qui ne peuvent pas entendre la voix du Très-Haut. C’est par la foi que nous accueillerons la nouveauté de son enseignement sans suspicion ; c’est par l’espérance que nous reconnaîtrons son autorité sans accusation ; c’est par la charité que nous serons entraîné par sa puissance sans arrogance.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du matin qu’elle soutienne notre foi ; Porte du Ciel qu’elle fortifie notre espérance ; Mère du Bel Amour qu’elle augmente notre charité, pour que nous puissions nous attacher au Seigneur d’un cœur libre et sans partage, dès maintenant et pour les siècles des siècles.
[i] (1 Co 15,19)