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Père Charles Mallard-La foi ne nous fait pas spectateurs

3 avril 2022

La foi ne nous fait pas spectateurs

5° Dimanche de carême (3° scrutin = lecture de l’année A)

Ez 37,12-14 ; Ps 129 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,3-7. 17.20-27.33b-45

Nous voilà invités aujourd’hui à poursuivre le chemin catéchuménal. Après la conversion de la Samaritaine et la guérison de l’aveugle-né, c’est la résurrection de Lazare qui nous accompagne et nous prépare au grand mystère de Pâques dans lequel nous sommes baptisés. Après le signe de l’eau et celui de la lumière, c’est la dynamique de la foi qui vient scruter nos cœurs pour nous préparer au don de Dieu. Car il est beaucoup question de foi et de résurrection dans ce texte. Le dialogue, ou plutôt les dialogues entre Jésus et Marthe nous décrivent le cheminement de la foi. Mais c’est peut-être la scène finale qui indique le mieux la nature de ce à quoi nous sommes appelés.

« Enlevez la pierre » dit Jésus … Évidemment ça ne sert à rien de ressusciter quelqu’un s’il reste prisonnier du tombeau ! Pourtant dans la prophétie d’Ezéchiel, c’est Dieu lui-même qui ouvre les tombeaux, et l’on peut penser, qu’au point où il en était, il était plus facile pour Jésus d’enlever la pierre que de ramener Lazare à la vie ! Pourquoi donc demande-t-il qu’on le fasse ? C’est qu’il s’agit de permettre que foi de reste pas au niveau des idées. La réflexion de Marthe témoigne d’ailleurs que malgré ses grandes déclarations – tout à fait admirables – elle n’est pas encore au bout de la foi. Malgré ses paroles, elle ne croit pas vraiment que le Seigneur va ressusciter son frère. Et nous voilà devant un enseignement essentiel : si nous prétendons croire, il ne suffit pas de dire, il faut faire. « Enlevez la pierre » ça pourrait être une devise de carême puisque cela reprend l’invitation à la conversion « préparez les chemins du Seigneur ». Il arrive un moment où nous sommes au pied du mur : au-delà des paroles, malgré nos doutes ou nos incompréhensions, il faut faciliter l’action de Dieu. Si la foi s’exprime par des paroles, elle se manifeste par des actes.

Après sa prière, Jésus crie d’une voix forte « Lazare, viens dehors ! ». Il y a quelque chose de majestueux dans la scène, quelque chose qui annonce la trompette de la résurrection. Pourtant, sans se complaire dans des détails sordides, dans l’obscurité du tombeau, la scène est beaucoup plus prosaïque … Lazare a les mains et les pieds liées par des bandelettes, le visage couvert du suaire, sa réponse à la parole de Dieu n’a pas la même splendeur ! Mais l’humilité même de sa sortie est une grande illustration de la foi. Il n’a pas refusé d’obéir au prétexte qu’il ne pouvait pas bouger ou que c’était compliqué. Malgré ses limites, en sautillant ou à petit pas, il répond à l’ordre du Seigneur. La gloire de Dieu ne lui a pas envoyé des anges pour une sortie triomphale, c’est dans l’humilité presque ridicule de nos faiblesses que la foi permet à la puissance divine de se déployer. Non seulement la foi nous provoque, mais elle nous sollicite : Dieu fait tout, mais il ne fait rien sans nous !

Enfin il y a cette réflexion du Seigneur : « Déliez-le et laissez-le aller ». Une consigne merveilleusement banale et incroyablement stupéfiante. On imagine les sentiments et les émotions de ceux qui assistent à la scène, partagés entre la stupeur, la joie, la crainte, l’admiration. Et voilà que Jésus les ramène à l’essentiel, comme lorsqu’il demande que l’on donne à manger à la fille de Jaïre qu’il vient de ressusciter. Il ne s’agit pas de rester immobiles, hébétés ou excités par le miracle, il faut servir cette vie donnée par Dieu. C’est encore une dimension importante de la foi que de nous engager en nous rappelant ce que nous pouvons faire pour les autres. Mystérieusement l’œuvre de Dieu remet sa fécondité entre nos mains.

Sans doute la résurrection de Lazare annonce-t-elle la résurrection du Christ, et son récit nous plonge au cœur de notre foi. Mais plus profondément, cet évangile nous fait comprendre que le Seigneur ne nous demande pas d’être spectateurs. Croire ce n’est pas simplement dire, entendre ou regarder. Croire c’est faire confiance malgré nos doutes en prenant le risque d’enlever la pierre du tombeau de la résignation ; c’est obéir à l’invitation de venir dehors, comme on peut, malgré nos limites et nos difficultés ; c’est servir l’œuvre de Dieu en déliant et en laissant aller ceux que le Seigneur nous confie.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Comme elle a accueilli la parole de l’Ange à l’Annonciation, qu’elle nous apprenne à dépasser nos doutes par nos actes de foi. Comme elle a reçu les paroles de Siméon dans le Temple qu’elle nous montre comment répondre au Seigneur malgré nos limites. Comme elle a guidé les serviteurs des noces de Cana, qu’elle nous encourage à déployer la puissance de Dieu dans le service, pour que nous puissions demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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