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Père Charles Mallard-La porte de service

21 août 2022

La porte de service

21° Dimanche du Temps Ordinaire – Année C

Is 66, 18-21 ; Ps 116 ; He 12,5-7. 11-13 ; Lc 13, 22-30

« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». En entendant ce conseil du Seigneur, on comprend qu’il y a deux moyens d’entrer dans le Royaume : une porte large et évidente où se presse la foule, et une autre, petite et cachée à laquelle on ne pense pas spontanément. C’est un peu comme si Jésus nous recommandait d’entrer par la porte des artistes. Ou plus exactement, comme le Royaume se compare plutôt à un palais qu’à une salle de spectacle, il s’agit donc d’entrer par la porte de service. Ne nous trompons pas, il ne s’agit pas de resquiller mais de se présenter dans certaines dispositions. Cela transparaît d’ailleurs du dialogue entre le maitre de maison et ceux qui sont refusés.

Leur premier argument est qu’ils ont mangé et bu en sa présence. Mais nous comprenons que cet argument n’est pas valable. Ils ne disent pas « nous avons mangé et bu avec toi », mais « en ta présence ». On peut penser qu’il s’agit d’un banquet où le Seigneur est l’hôte d’honneur, et eux des invités d’un ami commun, cela signifie alors qu’ils n’ont pas cherché à le rencontrer et qu’ils se sont contentés de profiter du moment. Pourtant il y a une autre situation possible : c’est que le Seigneur fasse partie des serviteurs, qui sont bien présents mais ne partagent ni la nourriture ni la boisson. Le repas est une image du culte et nous comprenons qu’il ne suffit pas d’assister et de se faire servir. Nos prières ne nous préparent pas au Royaume si elles ne sont pas une occasion de rencontre et de partage avec Dieu : nous devons y être plus attentif à ce que l’on donne qu’à ce que l’on peut en recevoir. La porte de service est cachée on doit faire un effort pour la trouver, accepter de pas se laisser porter par la foule. De la même manière, la prière que le Seigneur attend de nous n’est pas une routine confortable, mais l’expression d’un désir qui nous guide, d’une recherche qui nous met en route. Ce n’est pas grave si la prière nous dérange ou nous demande un effort, bien au contraire : vivons le comme une purification, comme la décision de quitter l’allée centrale pour rechercher la porte étroite.

Ensuite, ceux qui ne peuvent pas entrer, font valoir que Jésus a enseigné sur leurs places. A la vérité, voilà encore un mauvais argument, car on les imagine en spectateurs éloignés de la prédication du Seigneur, spectateurs curieux …peut-être ; observateurs critiques … ça n’est pas impossible. Certainement il aurait mieux valu pour eux qu’ils disent « nous avons suivi ton enseignement ». La parole de Dieu ne nous prépare pas au Royaume si on en fait un objet de curiosité ou un ornement culturel, il faut s’efforcer de ne pas seulement l’entendre mais de l’écouter et de la mettre en pratique, comme un bon serviteur écoute la parole de son maître. La porte de service n’est pas très grande, on n’y entre pas la tête haute en gardant son chapeau sur la tête, il faut s’abaisser pour la franchir. C’est avec cette humilité qu’il nous faut accueillir la parole du Seigneur, pour se mettre à son écoute, se laisser enseigner. Ça n’est pas grave si nous ne comprenons pas tout : c’est l’occasion d’entrer en dialogue avec Lui. Ce qui est grave, c’est de la déformer pour qu’elle nous arrange ou de délaisser ce qui ne nous convient pas. Ne craignons de baisser la tête en méditant la parole de Dieu : c’est ce que rappelait la lettre aux Hébreux, c’est comme cela que se franchit la porte étroite !

Enfin il y a le reproche, définitif, que fait le maître de maison : « éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice ». Quelle phrase terrible que nous devrions espérer ne jamais entendre ! Au moins elle nous montre quel est le verrou du Royaume. Ainsi il ne s’agit pas tant de ce que nous sommes que de ce que nous faisons. Commettre l’injustice, c’est ne pas faire attention aux autres, c’est se faire passer soi-même avant les autres. On sait bien que les relations entre nous ne sont pas toujours faciles et qu’une histoire est une suite de tâtonnements pour s’ajuster et trouver un équilibre fragile toujours à corriger. Mais cet équilibre, c’est la justice et elle n’est jamais à sens unique. Et l’évangile nous rappelle quelle est cette porte exiguë, exigeante et rude pour rechercher le Royaume et sa justice : l’amour qui se fait serviteur, qui donne et se donne. Dans l’oracle que rapportait Isaïe, les rescapés sont envoyés au service des nations éloignées, ils participent à la promesse de Dieu en ramenant leurs frères : le Seigneur nous a fait pour les autres, et non pas les autres pour nous !

Alors, tant pis si les textes d’aujourd’hui sont un peu dérangeants, tant pis si les promesses de Dieu nous rappellent que le présent n’est pas parfait, que les difficultés nous font grandir et que les exigences sont un meilleur guide que la facilité : recherchons la porte de service du Royaume de Dieu en faisant de la prière un lieu de rencontre, de la Parole de Dieu un enseignement, de nos relations une occasion de service.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Temple de l’Esprit-Saint, Arche de la Nouvelle Alliance, Mère du Bel Amour qu’elle nous guide et nous accompagne vers la porte étroite pour que nous puissions la rejoindre dans le Royaume et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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