Père Charles Mallard-Le Christ n’est pas un totem d’immunité

Le Christ n’est pas un totem d’immunité
3° dimanche de Pâques – Année B
Ac 3,13-15. 17-19 ; Ps 4 ; 1 Jn 2,1-5a ; Lc 24,35-48
D’abord on peut remarquer qu’on ne parle pas tant de péché que de « pardon des péchés » … ce qui est mieux ! D’autant que le pardon est acquis et non pas à demander. C’est-à-dire que le temps de Pâques n’est pas celui où l’on demande pardon pour nos péchés, mais celui où on réalise que nos péchés sont pardonnés … ce qui change bien des choses. Mais on pourrait être tenté de se dire « nos péchés sont pardonnés … merci Seigneur … n’en parlons plus ! ». Pourtant si l’on reprend les dernières paroles de Jésus dans l’évangile, il semble que le but de la résurrection soit la conversion proclamée pour le pardon des péchés. Donc le salut, la rédemption, tout ce que permet Pâques, c’est le pardon des péchés. Si nous sommes déçus à la pensée que le salut n’est « que » le pardon des péchés, c’est peut-être que nous n’avons pas bien réalisé ce qu’est le péché.
On ne va pas refaire tout le carême, mais revenir à la première lecture. Le discours de Pierre, a une expression poignante : « vous avez tué le Prince de la vie ». Il y a une force incroyable dans cette expression : « vous avez tué le Prince de la vie ». A la réflexion, cela pourrait être le reproche pour tout péché : utiliser pour la mort ce qui devrait épanouir la vie. Car c’est bien là le problème : une chose paraît attrayante, légitime, et c’est normal puisqu’elle est une puissance vitale ; mais le péché va détourner cette puissance de vie vers la mort. Par exemple, la gourmandise (aujourd’hui il faudrait peut-être dire plutôt la gloutonnerie), quand la nourriture devient le but de la vie. La nourriture est bonne en soi, elle est nécessaire, mais si elle prend trop de place, elle tue les autres aspects de la vie. Autre exemple : la colère est un péché quand l’indignation – qui est bonne en soi – conduit à la haine ou la violence. L’indignation est nécessaire à la vie puisqu’elle est l’appel de la justice, mais la colère détourne cette force pour faire un monde de conflit … On pourrait multiplier encore les exemples, mais je ne veux pas vous donner des idées de péché ! Retenons qu’un péché c’est ce qui rend mortel ce qui est vital – « vous avez tué le prince de la vie »
Alors apparaît le lien entre le pardon des péchés et le mystère de Pâques. La résurrection n’est-elle pas cette possibilité inouïe révélée par le Christ que la mort peut devenir un passage vers la vie ? Le péché détourne la vie vers la mort, la résurrection ouvre dans la mort la porte de la vie. Voilà pourquoi nous sommes sauvés : parce que le Christ nous sort de l’impasse où nous nous sommes embourbés par le péché. Trop souvent nous attendons du salut qu’il soit une sorte de bouclier qui nous préserve de tout problème. Le mystère de Pâques n’a jamais empêché personne de souffrir, ni même hélas de faire souffrir. Le Christ n’est pas un totem d’immunité, ni d’impunité d’ailleurs ! Pâques n’ouvre pas à l’immortalité mais la résurrection ; Dieu ne nous préserve pas du mal, il nous en délivre ! Et si l’on est tenté de regretter que le Seigneur ne nous donne pas le salut dont nous rêvons … réalisons que nous rêvons d’un salut inférieur et sans doute illusoire, car à la moindre difficulté, au moindre écart nous serions irrémédiablement perdus !
Pourtant il reste encore un point à éclaircir. Pourquoi Jésus parle-t-il de « conversion pour le pardon des péchés » ? C’était aussi la conclusion du discours de Pierre « convertissez-vous pour que vos péchés soient effacés ». C’est que le pardon n’est pas une amnistie : il ne survient pas quoiqu’il arrive et quoique nous fassions : il faut le demander et peut-être même le désirer. Ce qu’il y a d’inouï dans le mystère de la foi, c’est que le don de Dieu est remis à notre bon vouloir. Non pas à notre caprice, mais à notre sincérité. Et les paroles de la lettre de saint Jean, dans la deuxième lecture sont extraordinaires : « en celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection ». Ce qui nous est demandé, c’est de garder la parole de Dieu, pour la vivre et la pratiquer, bien sûr ; mais aussi pour accepter qu’elle reste une écharde dans la chair nous rappelant le chemin à parcourir, les dispositions à changer, les efforts à faire. On est parfois comme des vases d’argile gardant un trésor précieux : pas forcément à la hauteur de ce que l’on garde, mais ça n’empêche pas de garder. Et j’aime à me souvenir que dans la rencontre avec les disciples au soir du premier jour de la semaine, Jésus leur rappelle ce qu’il avait dit, il leur rappelle ce qui est écrit, comme pour les amener à garder la Parole qui leur a été confiée plutôt que de l’oublier.
Accueillons donc le Christ ressuscité qui fait de nous des témoins du salut. Nous qui avons bien souvent « tué le Prince de la Vie », tournons-nous vers Dieu pour reconnaître notre défenseur : Jésus Christ, qui, par son sacrifice, obtient le pardon des péchés, les nôtres comme ceux du monde. Gardons sa parole fidèlement pour que son amour puisse atteindre en nous la perfection.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des pécheurs, qu’elle creuse en nous le désir du pardon. Mère de Miséricorde qu’elle nous fasse goûter la douceur de l’Amour du Seigneur. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous apprenne à garder la Parole pour que nous puissions être les témoins de la bonne nouvelle de Pâques : le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !