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Père Charles Mallard-Les défis de l’amour

31 octobre 2021

Les défis de l’amour

31° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Dt 6, 2-6 ; Ps 118 (119) ; He 7, 23-28 ; Mc 12,28b-34

Lorsqu’on arrivera dans le Royaume des cieux – et il faut espérer qu’on y arrivera – on pourra aller remercier le scribe qui, en posant sa question à Jésus, nous a permis d’avoir un résumé lumineux de la volonté du Seigneur. Aimer Dieu et son prochain … quoi de plus simple à comprendre ? Quoi de plus facile à mémoriser ? Cependant, si le principe est simple on sait d’expérience que la réalisation n’est pas toujours évidente. C’est que le plus grand commandement nous renvoie à trois défis.

Le premier défi, c’est l’amour lui-même. On a compris qu’il fallait aimer, mais dans notre expérience l’amour est souvent une émotion ou un sentiment qui nous tombe dessus à l’improviste. Comment Dieu peut-il commander d’aimer ? Peut-il nous demander ce que nous ne maîtrisons pas ? Mais l’amour n’est pas seulement ce que nous ressentons, c’est aussi ce que nous décidons. Ainsi le sentiment nous conduit à vouloir : vouloir être avec, vouloir faire plaisir, vouloir aider. Or l’amour n’est pas un moment mais une histoire ; et si le début ne dépend pas toujours de nous, le déploiement en revanche est entre nos mains. Ainsi nous comprenons que si l’émotion conduit à vouloir, on peut aussi vouloir même sans ressentir. Vouloir du bien, évidemment ! Difficile de prétendre aimer si l’on cherche à faire souffrir volontairement ; difficile de prétendre aimer si l’on ne prend pas du temps pour écouter, pour être avec ! Ainsi l’amour est-il la lumière qui nous est proposée pour vérifier que nous faisons bien route vers le Royaume : ce que nous pensons, ce que nous disons, ce que nous faisons va-t-il dans le sens de l’amour, de l’amour décidé même si ce n’est pas de l’amour ressenti ?

Il y a un deuxième défi, qui naît de la réponse de Jésus. Chacun aura remarqué qu’il relie deux commandements en un seul ! Les deux se trouvent dans la Loi de Moïse, l’un dans le Deutéronome, l’autre dans le Lévitique. Le commandement d’aimer Dieu est la prière qu’un juif pieux récite trois fois par jour, qu’il inscrit sur ses habits et sur les portes de sa maison. L’autre commandement est la conclusion du code de sainteté, c’est-à-dire tout ce qu’il faut faire pour « être saint comme Dieu est saint ». On sait donc depuis longtemps que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain. Mais il ne suffit pas de savoir, il faut vivre aussi. Et bien souvent, il nous parait plus simple d’oublier l’un ou l’autre des amours. Sous prétexte que c’est la même chose, on pense qu’aimer Dieu dispense d’aimer les autres, ou qu’aimer les autres dispense d’aimer Dieu. Et pourtant il faut tenir les deux. Prétendre aimer Dieu sans aimer notre prochain, ce n’est pas aimer Dieu c’est aimer l’idée qu’on se fait de Dieu ; aimer son prochain sans aimer Dieu, c’est bien souvent ne pas aimer mais se rassurer en se faisant plaisir ou en se donnant bonne conscience. Ne trichons pas avec les deux dimensions de l’amour : vérifions que nous honorons les deux tables de la Loi, que nous aimons Dieu et que nous aimons notre prochain.

Mais il nous faut remarquer que les commandements ne portent pas tant sur qui il faut aimer que sur comment il faut aimer. Pour Dieu « aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force » ; pour le prochain « aimer comme soi-même ». L’amour de Dieu est donc de l’ordre de la totalité c’est un amour qui concerne ce que nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous faisons. Cela peut paraître un peu effrayant de radicalité, mais nous pouvons aussi trouver cela rassurant de progressivité : une totalité ne se donne pas d’un coup mais petit à petit en s’élargissant chaque fois un peu plus. C’est d’ailleurs à la lumière de l’amour de Dieu qu’il nous faut comprendre l’amour du prochain. Même si parfois on se demande comment Dieu peut aimer telle ou telle personne, ce n’est pas parce que nous n’avons pas la réponse qu’il faut renoncer à la question ! Bien au contraire, plus une personne nous est désagréable, plus il est important de se plonger dans le cœur de Dieu pour découvrir ce qui est aimable en elle. Le commandement donne la clé de l’amour du prochain « comme soi-même ». Est-ce que nous pouvons souhaiter pour nous ce que l’on souhaite pour les autres ? Est-ce que l’on peut accepter pour nous ce que l’on fait aux autres ? On n’est pas forcément dans de grandes effusions, ni dans des extases émotionnelles … mais c’est au jour le jour, dans des choses modestes, comme la bienveillance, la patience et l’écoute que se décline l’amour du prochain. D’ailleurs, si on laisse résonner la remarque du scribe que Jésus trouve judicieuse, il s’agit bien de la miséricorde qui vaut mieux que tous les sacrifices.

La belle rencontre entre Jésus et le scribe nous permet de saisir avec simplicité ce que Dieu attend de nous : aimer. Aimer Dieu et aimer son prochain, aimer de tout son être et aimer comme soi-même. Le chemin est parfois ardu, il nous arrivera de nous trouver bien peu avancé et trop loin de la perfection à notre goût. Pourtant c’est l’un des secrets de l’amour : ne jamais se satisfaire et découvrir qu’on peut aimer encore plus et encore mieux. Ce n’est pas à nous de savoir si nous sommes près ou loin du Royaume, mais c’est à nous de savoir où le chercher et comment le rejoindre.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle éclaire nos cœurs pour que nous puissions choisir ce qui conduit à aimer. Porte du Ciel, qu’elle nous apprenne à unir le ciel et la terre dans une même fidélité. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine dans le souffle de l’Esprit pour que nous puissions demeurer en Lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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