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Père Charles Mallard-Les degrés du partage

7 février 2021

Les degrés du partage

5° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Jb 7,1-4.6-7 ; Ps 146 ; 1 Co 9,16-19.22-23 ; Mc 1,29-39

Jésus poursuit son aventure en Galilée et sa mission s’élargit en multipliant les guérisons, en expulsant les démons (qui semblent bien nombreux), mais aussi en proclamant l’évangile dans les villages voisins de Capharnaüm. Pourtant il serait dommage d’en rester à l’aspect anecdotique des événements et de considérer le texte que nous venons d’entendre comme une simple chronique du commencement de la prédication du Seigneur. Tout au long de ce récit, un peu comme un filigrane, court un état d’esprit qui culmine dans l’attitude finale de Jésus : la thématique du partage et de l’attention aux autres.

Cela commence en entrant dans la maison de Simon et d’André : « on parla à Jésus de la malade ». Quoi de plus naturel direz-vous ? Et bien tant mieux si vous pensez cela car, au contraire, il n’est pas spontané de s’occuper des malheurs des autres. Surtout qu’en sortant de la synagogue, après ce qui s’y est passé, on peut bien imaginer que les disciples avaient d’autres sujets de discussion qu’une belle-mère fatiguée. Tout au plus l’excuserait-on de ne pas être là pour accueillir le maître. Pourtant nous avons là un premier degré du partage : l’intercession. La première lecture nous rappelait la prière de celui qui souffre ; mais prier pour un autre, c’est plus que transmettre ses lamentations : c’est rompre l’isolement de la souffrance ; maintenir un lien en manifestant que nous acceptons d’être concernés pour que l’épreuve renforce l’unité ; c’est refuser que notre prière soit un face à face égoïste avec le Seigneur, où pour paraphraser Saint-Exupéry, nous nous regarderions l’un l’autre au lieu de regarder ensemble dans la même direction.

Ensuite, on peut remarquer qu’une fois guérie, la belle-mère de Simon servait Jésus et les disciples. Évitons la tentation facile des cynismes misogynes : on était le jour du sabbat, tout était donc prêt et il n’y avait rien à faire, personne n’avait besoin d’être servi ! Il faut voir dans cette attitude, au contraire la délicatesse d’un cœur reconnaissant qui vit un deuxième degré du partage : le service quand il est un état d’esprit plutôt qu’une situation. C’est un engagement plus complet qu’une simple intercession, il s’agit de faire une place à l’autre dans notre vie, et une place d’honneur, en le considérant plus important que notre confort ou notre tranquillité. Là encore on n’est pas loin des conseils que saint Paul donnera aux Philippiens pour vivre concrètement la charité fraternelle.

Puis le soir venu, après le coucher du soleil, on amène au Seigneur ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. Il n’est pas dit que ceux-ci venaient tout seuls, mais qu’on les amène, ce qui suppose une certaine implication, une attention soutenue et sans doute même un effort physique s’il fallait porter ceux qui ne pouvaient se déplacer par eux-mêmes. C’est le signe d’un troisième degré dans le partage : l’aide ou l’assistance. Sans doute ne peut-on pas tout faire, et ce ne sont pas les accompagnateurs qui vont guérir les malades ; mais il faut faire ce que l’on peut et soulager ce qui est en notre pouvoir. Aider, même modestement, c’est participer au salut, c’est prendre notre part à l’œuvre de Dieu.

Enfin il y a la réflexion de Jésus – la seule parole qu’il prononce dans ce texte : « allons ailleurs, dans les villages voisins afin que là aussi je proclame l’Évangile ». Pourtant il y a encore des choses à faire à Capharnaüm, puisque tout le monde le cherche. Et l’on devine aisément l’intérêt de garder à porter de main un tel guérisseur. Mais le partage n’est pas fait pour satisfaire les désirs des uns ou des autres, même légitimes. Le partage nous conduit à entrer dans le cœur de Dieu. L’annonce de l’évangile est le dernier degré du partage, car il s’agit de se laisser conduire par le Seigneur, de se laisser entraîner par le Royaume. C’est l’expérience dont témoigne saint Paul dans la deuxième lecture : « annoncer l’évangile est une nécessité qui s’impose à moi ». Ce n’est plus ce que nous avons ou ce que nous pouvons que nous partageons, c’est la mission du Seigneur, sa sollicitude pour tous, sa volonté de rassembler dans l’unité de son amour l’humanité dispersée.

Laissons donc la Parole résonner dans nos vies comme elle retentissait dans les villages voisins de Capharnaüm. L’intercession, le service et l’aide nous conduisent sur le chemin du partage jusqu’à l’annonce de l’Évangile pour que nous puissions aimer aux dimensions du cœur de Dieu.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cette Parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des affligés, Mère de miséricorde, Trône de la Sagesse qu’elle ouvre nos yeux, nos cœurs et nos vies aux appels du Seigneur pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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