Père Charles Mallard-Les deux pêches

Les deux pêches
3° Dimanche de Pâques – Année C
Ac 5, 27-41 ; Ps 29 ; Ap 5,11-14 ; Jn 21,1-19
Chaque fois les disciples ont peiné toute la nuit sans rien prendre, chaque fois sur la parole de Jésus, ils expérimentent la surabondance de la grâce de Dieu, chaque fois cela se termine par une invitation à le suivre dans une mission inattendue. Mais il y a aussi, entre les deux épisodes, des différences significatives. La première fois Jésus est dans la barque, cette fois-ci il est sur le rivage ; à l’époque Pierre faisait confiance non sans avoir préalablement rappelé leurs efforts inutiles ; cette fois-ci ils obtempèrent dans la simplicité de l’obéissance. La première fois Pierre réagit, là c’est un autre qui témoigne : « c’est le Seigneur ». Alors que Pierre, plein de crainte demandait à Jésus de s’éloigner, maintenant, plein de zèle, il se jette à l’eau pour se rapprocher du Seigneur. Le filet ne se déchire plus et Jésus conclut la rencontre par une invitation à partager son repas en les sollicitant : « apportez ces poissons que vous venez de prendre », alors qu’au début il leur faisait une promesse : « je ferais de vous des pêcheurs d’hommes ».
On pourrait penser que la deuxième pêche miraculeuse est plus aboutie que la première, et qu’elle perfectionne ce qui n’était pas complétement ajusté. Pourtant ce serait ignorer que l’une n’existerait pas sans l’autre, et que dans les deux cas, il s’agit d’un commencement : commencement de la vie de disciples et commencement de la mission d’apôtres. Il est donc sans doute plus fécond d’y voir l’image de deux attitudes spirituelles qui se répondent : la conversion et la communion. Voyons donc ce que l’évangile d’aujourd’hui nous apprend de la communion.
D’abord Jésus est sur le rivage, et lorsqu’ils arrivent le repas est déjà préparé : « il aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus et du pain ». Dans la conversion, on prend conscience de la présence du Seigneur, à nos côtés, embarqués avec nous. Mais dans la communion nous comprenons aussi qu’il nous précède. C’est l’un des grands thèmes du temps de Pâques : nous sommes invités à rejoindre le Christ. Il n’est pas seulement un compagnon, mais un guide. C’est ce qui se manifeste aussi dans la différence de réaction à la Parole. Si dans la conversion il y a un choix, celui de la confiance plutôt que de notre expérience, dans la communion, il y a l’obéissance dans toute sa simplicité.
Ensuite, on a remarqué que le filet ne se déchirait pas, et que Pierre au lieu de s’éloigner saisi par l’indignité de sa condition pécheresse, s’habille pour rejoindre le Seigneur, dans une hâte qui a remplacé la crainte. C’est le signe que la communion est l’accueil d’une transformation : la résurrection nous a rendu capable de nous tenir dans la présence divine. « Capables de Dieu » selon la belle formule des pères. On remarquera que cette transformation ne nous isole pas, car c’est le témoignage de l’autre disciple qui conduit Pierre à reconnaître le Seigneur. La communion ne nous isole pas, même pour un tête-à-tête avec Dieu, elle s’accomplit ensemble, en Église.
Enfin, sur le rivage, Jésus invite au présent, et non plus au futur, comme lors de la conversion. Il nous invite à son repas mais il est remarquable qu’il sollicite la participation des disciples : « apportez les poissons que vous venez de prendre ». Comme dans l’offertoire de la messe où nous présentons ce qu’il nous a donné, la communion ne consiste pas à se laisser faire, mais à entrer, par la participation, dans ce cercle vertueux de l’amour où l’on donne ce que l’on reçoit.
La joie paradoxale des Apôtres qui se découvrent dignes d’être persécutés pour le nom de Jésus, la vision triomphale de l’Apocalypse adorant l’Agneau de Dieu, comme la rencontre au bord de la mer de Tibériade nous invitent à entrer dans cette communion permise par le mystère de Pâques : une communion qui nous rapproche du Seigneur, une communion qui nous transforme dans le Corps du Christ, une communion dont nous sommes participants en entrant dans le souffle de l’Amour qui se donne.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle fortifie notre foi, Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle épanouisse notre espérance, Mère du Bel Amour qu’elle soutienne notre charité, pour que grandisse notre communion et que nous puissions resplendir de la lumière de Pâques : le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !