Père Charles Mallard-Les exigences du Royaume

les exigences du Royaume
26 Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Nb 11,25-29 ; Ps 18 ; Jc 5, 1-6 ; Mc 9, 38-48
Les textes que nous venons d’entendre sont assez contrastés, mais l’impression générale que l’on en retire est plutôt la dureté. Entre les préconisations de Jésus et les invectives de saint Jacques, nous voilà bien servis ! Si la réponse de Moïse à Josué et celle de Jésus à Jean incitent plutôt à la tolérance, même dans ces épisodes il y a toujours quelqu’un qui se fait rabrouer. Le ton général reste donc plutôt à l’exigence.
Le rapprochement entre la première lecture et le début de l’évangile est saisissant. Dans les deux cas il y a une sorte d’indignation face à un débordement : Eldad et Médad prophétisent alors qu’ils ne sont pas dans la Tente de la rencontre autour de Moïse ; un homme qui n’est pas du groupe des disciples de Jésus se permet d’expulser les démons en son nom. Mais dans un cas comme dans l’autre, Moïse et Jésus invitent à laisser faire. Comme si les règles institutionnelles devaient s’effacer devant l’œuvre de Dieu. « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » dit le Seigneur. Cette phrase nous invite à ne pas confisquer l’Esprit Saint, à ne pas l’enfermer dans nos critères d’appartenance. Dieu nous déborde, et nous devons nous en réjouir. On entend parfois dire qu’il n’y a pas besoin d’être chrétien pour faire le bien, que la charité n’est pas réservée aux baptisés. Et bien tant mieux ! Nous pouvons dire comme Moïse : « ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tous les hommes son peuple ! Si le Seigneur pouvait faire que toute l’humanité vive de la charité ! ». La première exigence de la Parole aujourd’hui, c’est de ne pas confisquer le don de Dieu, de renoncer à être la mesure de sa présence.
Mais si la phrase de Jésus nous invite à une certaine ouverture d’esprit, il ne faut pas trop rapidement qualifier cette disposition de tolérance. Il ne s’agit pas d’accepter n’importe quoi ! D’abord Jésus dit bien « celui qui n’est pas contre nous » ; il ne dit pas « tout le monde est avec nous » ! Et puis ce qui suit (sur le scandale des petits, sur la main, le pied ou l’œil qui sont des occasions de chute) montre assez fortement qu’il ne faut pas tolérer le péché. Ce texte, qui est parmi les plus durs de l’évangile, nous rappelle à une fermeté que l’on aurait facilement tendance à négliger. Ainsi, il y a une dimension qualitative à notre disponibilité : on ne doit pas accepter n’importe quoi. Cela dit, nous avons généralement tendance à être plus exigeants pour les autres que pour nous. Nous voilà invités à l’inverse : accepter que d’autres resplendissent de la puissance de Dieu, et reconnaitre que nous sommes parfois un obstacle à cette puissance. Mais nous comprenons bien aussi qu’il ne s’agit pas tant des autres ou de nous que de la place de Dieu dans nos priorités et dans nos critères.
Et nous pouvons regarder de plus près ce que saint Jacques reproche aux riches. S’il annonce la ruine des richesses c’est surtout en raison de leur vanité et de leur injustice. Le problème n’est pas tant d’avoir de l’or et de l’argent ou de beaux vêtements, le problème c’est de s’enrichir en frustrant les ouvriers de leur salaire, c’est le confort du luxe qui rend indifférent aux drames du monde, c’est l’arrogance du pouvoir qui condamne le juste qui ne lui résiste pas. Là encore le problème n’est pas tant les autres que notre relation aux autres. En contraste de ces invectives, la phrase de Jésus sur le verre d’eau rappelle les enjeux de la charité. Il ne s’agit pas simplement d’une philosophie du vivre ensemble, mais de préparer le Royaume en reconnaissant la souveraineté du Christ.
Ainsi placer le Seigneur au cœur et au sommet de notre vie est exigeant : cela oblige à reconnaître que sa puissance déborde nos habitudes et nos repères ; cela invite à fuir sans concession tout ce qui nous éloigne de lui ; cela conduit à prendre soin de ceux et celles qu’il confie à notre sollicitude.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Temple de l’Esprit Saint qu’elle nous apprenne à ne pas confisquer le Don de Dieu ; Refuge des pécheurs qu’elle nous soutienne dans le combat spirituel ; Mère du Bel Amour qu’elle nous apprenne à laisser notre cœur battre au rythme du cœur de Dieu pour que nous demeurions en lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.