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Père Charles Mallard-Les silences

19 septembre 2021

Les silences

25 ° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Sg 2,12.17-20 ; Ps 53 ; Jc 3,16-4,3 ; Mc 9,30-37

En lisant les textes que nous venons d’entendre, j’ai été surpris par le contraste entre l’évangile et les lectures. C’est une sorte de contraste sonore : dans l’évangile les disciples et les hommes en général ne parlent pas beaucoup (pour ne pas dire pas du tout) : Jésus demande la discrétion pour sur son passage en Galilée, les disciples n’osent pas l’interroger et se taisent quand il les interroge. Mais, autant l’évangile est parsemé de silence, autant les lectures évoquent plutôt le tumulte et le vacarme. Vacarme de la méchanceté et du défi à Dieu dans le livre de la Sagesse, vacarme de la convoitise et de l’égoïsme dans la lettre de saint Jacques. Voyons donc ce que les silences de l’évangile peuvent nous inspirer de la vie spirituelle.

La remarque préalable, c’est que les silences ne sont pas tous de même nature, et que si l’on peut être incité à imiter les uns, il faut se méfier des autres ! Le silence qu’il faut imiter, c’est le premier : « Jésus ne voulait pas qu’on le sache ». Et l’évangéliste explique « car il enseignait ses disciples ». On peut comprendre qu’il s’agit d’un silence de discrétion ou de recueillement. Pour que la parole du Seigneur soit bien entendue, pour que son enseignement soit bien reçu, il faut éviter que le groupe soit dérangé par l’agitation médiatique des curieux ou par le brouhaha des sollicitations. C’est le bon silence, celui qui attire l’attention, qui souligne l’important, qui entoure l’essentiel. Évidemment cela fait penser au silence de la prière, mais l’on peut se demander si plus largement dans la vie nous savons faire taire le tourbillon de nos occupations ou de nos distractions, pour entendre dans le silence de nos cœurs le murmure de la brise légère par laquelle le Seigneur nous enseigne.

La suite est moins sereine : il s’agit des silences dont il faut se méfier. D’abord celui des disciples qui « avaient peur de l’interroger ». Clairement c’est un problème. Ils n’ont pas compris les paroles de Jésus, mais pourquoi ne cherchent-ils pas des explications ? Il y a dans ce silence quelque chose du renoncement à la Parole de Dieu. C’est le silence de l’éloignement et de l’indifférence. Malheureusement sur ce silence, le Seigneur n’a aucune prise. Aussi Jésus ne relance pas la conversation et, le long du chemin jusqu’à Capharnaüm, il reste en silence à l’écart de la conversation. Le silence de Dieu n’est pas celui de l’indifférence mais celui de la patience : attendre que l’homme soit prêt à chercher la lumière … attendre aussi que le méchant se soit épuisé de sa méchanceté. Car le silence de la patience de Dieu est aussi la réponse au vacarme du défi que décrivait le livre de la Sagesse : « si le Juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera ». Mais l’on sait que Dieu ne répond pas à la provocation, il refuse l’épreuve de force et sa Loi n’est pas la loi du plus fort. Il faut se méfier du silence de la distance, car nous sommes les seuls à en avoir la clé, et en refusant de comprendre la Parole, on ne peut plus comprendre le silence de Dieu.

Enfin en arrivant à la maison, Jésus interroge : « de quoi discutiez-vous en chemin ? » mais les disciples se taisent. C’est un troisième silence, un autre dont il faut se méfier : le silence de la honte, celui qui fait baisser la tête comme un enfant pris en faute, c’est le silence d’Adam qui se cache dans le jardin des origines. Ce silence de la honte est souvent l’aboutissement du vacarme de la jalousie et de l’égoïsme que dénonçait saint Jacques dans la deuxième lecture. Mais là, Jésus répond : non pas dans la condamnation mais dans la ré-orientation. « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous », nous pouvons ainsi avoir la bonne ambition.  C’est aussi ce que suggérait l’apôtre : « vous ne recevez rien car vos demandes sont mauvaises » ; ainsi il faut changer ce que l’on demande. Le silence de la honte, c’est le signe que la visée n’était pas la bonne, qu’il faut tourner notre regard ailleurs, qu’il faut se retourner vers Dieu en suivant les indications de sa Parole : c’est le service qui est notre honneur, c’est le tout petit qui est la place du Très-Haut.

Alors nous, regardons notre vie. Pensons à nos silences … à quel moment avons-nous éprouvé le silence de la honte ? Avons-nous accepté qu’y retentisse la Parole du Seigneur qui nous retourne ? Nous sommes nous laissé enfermer dans le silence de la distance ? Souvenons-nous que le silence de Dieu est la patience de celui qui nous attend. Prenons-nous les moyens du silence du recueillement pour que la Parole puisse résonner dans nos cœurs sans être noyée dans l’agitation des soucis et le bruit des distractions ?

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Refuge des pécheurs qu’elle nous encourage à suivre l’exemple du Christ ; Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous fasse découvrir la proximité du Père ; Temple de l’Esprit Saint qu’elle nous apprenne à recevoir le Don de Dieu pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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