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Père Charles Mallard-L’escalier vers Pâques

21 mars 2021

L’escalier vers Pâques

5° Dimanche de Carême – Année B

Jr 31,31-34 ; Ps 50 ; He 5,7-9 ; Jn 12,20-23

Maintenant que nous sommes bien avancés dans le Carême, les textes de la liturgie de la Parole se font plus denses … et peut-être aussi plus rudes ! Il y a tellement de choses dans l’évangile que nous venons d’entendre que l’on serait facilement tentés de n’en prendre qu’une partie, ou de pratiquer des méthodes savantes d’analyse pour le diviser en plusieurs enseignements selon ce qui nous parait cohérent. Un peu comme si l’on choisissait d’admirer un collier en regardant les perles les unes après les autres. Pourtant il serait dommage de renoncer à profiter de l’ensemble : l’intérêt d’un escalier n’est-il pas supérieur au simple enchaînement des marches ? Engageons-nous donc dans la traversée de ce texte pour voir où et comment il nous conduit.

D’abord il y a l’épisode des Grecs, c’est-à-dire des juifs de la diaspora qui venaient se ressourcer à Jérusalem à l’occasion de la Pâque. Leur demande paraît sympathique : « nous voulons voir Jésus ». N’est-ce pas un désir honorable ? Pourtant on comprend vite qu’il y a quelque chose qui ne va pas : ils demandent à Philippe, qui demande à André, qui le dit à Jésus … qui ignore complétement et parle de tout autre chose ! Comme si cette cascade d’intermédiaires digne de la meilleure administration restait vaine. De multiples épisodes de l’évangile montrent bien que Jésus n’était pas inaccessible. Il n’y avait pas besoin d’être recommandé pour le rencontrer. C’est la première marche de cet escalier : la simplicité. Le Seigneur ne se donne pas dans la complexité du monde, mais dans la simplicité de sa présence. C’est un mouvement qu’annonçait Jérémie dans la première lecture : la nouvelle alliance sera plus simple, la loi sera inscrite dans les cœurs, il n’y aura plus besoin de rechercher des maîtres. Dieu se rend accessible dans la miséricorde.

Ensuite il y a l’enseignement du grain de blé. Manifestement, celui-ci est destiné à ceux qui veulent être proches de Jésus et il les invite à suivre la dynamique qui se déploie dans le mystère de Pâques : celle du don et de la générosité. C’est en perdant qu’on gagne, c’est en mourant qu’on vit en plénitude. Cela peut paraître paradoxal, bien différent de la logique du monde qui est une logique de possession et d’accumulation. Et pourtant c’est la logique de Dieu parce que c’est la logique de l’amour. C’est la deuxième marche que nous sommes invités à franchir : celle du détachement généreux, celle que Jésus lui-même franchit. Comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux : « il apprit par ses souffrances l’obéissance ». Ce n’est donc pas la marche la plus tranquille, et les contrariétés de la vie pourraient facilement nous en détourner, alors qu’elles sont autant d’occasions de la gravir.

Enfin, il y a la prière de Jésus, bouleversant dialogue avec le Père qui manifeste le dramatique écart entre la gloire de Dieu et la puissance du monde. Alors que la voix se fait entendre pour la foule, celle-ci s’empresse de la cataloguer dans des explications rassurantes : « c’est un coup de tonnerre », « c’est un ange qui lui parle ». Une explication scientifique, une explication mystique, mais aucune ne correspond à ce qui se passe. Triste occasion manquée, mais surtout révélation de la troisième marche qui nous élève jusqu’au mystère : celle de la foi. Car il s’agit bien de faire confiance au Seigneur, de le choisir en rejetant le prince de ce monde et en se laissant attirer par Celui qui a été élevé de terre. Il ne s’agit plus d’expliquer mais d’écouter, il ne s’agit plus de regarder mais de suivre, il ne s’agit plus d’admirer mais de participer.

Au seuil de la Passion du Seigneur, nous voilà inviter à gravir l’escalier qui nous dispose au Salut par la simplicité, le détachement généreux et la foi. Le carême nous y prépare et nous y entraîne : par le jeûne et les privations nous revenons à l’essentiel ; par l’aumône et le partage nous ouvrons nos cœurs et nos mains ; dans la prière persévérante la contemplation nourrit notre confiance. Ne relâchons pas nos efforts, mais engageons-nous résolument à la suite du Christ, pour l’accompagner et le servir, en nous laissant attirer par lui.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle nous rende disponibles à sa présence ; Mère du Bel amour qu’elle fasse battre nos cœurs au rythme de son cœur ; Etoile du matin qu’elle soutienne notre espérance pour que nous demeurions en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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