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Père Charles Mallard-L’inconfort libérateur

4 juillet 2021

l’inconfort libérateur

14 ° dimanche du Temps Ordinaire – année B

Ez 2,2-5 ; Ps 122 ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6

Si nous voulions commencer l’été dans la tranquille torpeur d’une douceur insouciante, ce n’est pas sur les textes que nous venons d’entendre qu’il faut compter ! Ils n’ont rien de paisibles, bien au contraire on pourrait les qualifier de rugueux. D’abord le discours à Ézéchiel où Dieu frise l’insulte au peuple ; ensuite l’épreuve de saint Paul qui dit se faire gifler par un envoyé de Satan ; enfin l’échec de Jésus à Nazareth … La Parole de ce jour a comme un arrière-goût d’amertume. C’est qu’elle agit comme un réveil : pénible mais essentiel !

Il y avait d’abord la vocation d’Ézéchiel, avec cette consigne importante « qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux ». Voilà une caractéristique importante de la Parole de Dieu : elle ne cherche pas à nous plaire. Nous qui vivons dans un monde marqué par le discours publicitaire, nous pouvons être tentés de n’écouter que ce qui nous fait plaisir. Ça n’est sans doute pas un privilège de notre temps : il a toujours été plus confortable d’être flatté que contrarié. Mais le Seigneur n’est pas le renard qui cherche à nous séduire pour profiter de notre vanité ! Si la Parole de Dieu ne dépend pas de ceux qui l’écoutent, c’est non seulement parce que Dieu est libre mais aussi pour nous rendre libres. Il faut donc accepter que l’évangile nous remette en cause, qu’il nous prenne à contrepied. Il faut accepter que la vie spirituelle ne soit pas confortable et ne pas croire que Dieu ne nous aime pas quand il demande des choses difficiles voire désagréables.

Ensuite il y avait les confidences de saint Paul. Quand on écoute bien, il vit une situation inconfortable dont il n’est pas très fier, mais Dieu ne le délivre pas de cette faiblesse. L’apôtre nous en donne l’explication : c’est pour l’empêcher de se surestimer. Ainsi l’humiliation préserve l’humilité. Mais c’est surtout le signe d’une autre caractéristique de la Parole de Dieu : elle ne dépend pas de la perfection de celui qui la porte. La parole retentit plus fidèlement quand on se sait pécheur que quand on se croit parfait. Bien sûr, il y a une petite blessure narcissique à se retrouver devant nos limites, mais c’est le prix à payer pour se laisser conduire par la puissance de Dieu. Sans doute est-il plus rassurant de tout maîtriser, mais la vie divine nous dépasse, et finalement c’est assez libérateur de réaliser que la puissance de Dieu ne dépend pas de notre propre force : ce n’est pas à nous de porter le poids du monde : c’est le Christ qui le porte ; et il nous porte avec !

Enfin l’évangile nous rapportait les difficultés rencontrées par Jésus à Nazareth. Avec cette remarque étonnante : « Jésus s’étonna de leur manque de foi ». Peut-être a-t-il eu la même impression qu’Ézéchiel ou saint Paul en expérimentant cette impuissance : « il ne pouvait accomplir aucun miracle ». On remarquera que ça ne le décourage pas, il parcourt les villages d’alentour en enseignant. C’est que la Parole de Dieu est aussi libre de ses résultats. Elle n’est pas une parole magique, elle n’est efficace que si on veut bien l’accueillir. On se retrouve devant le mystère du péché qui fait obstacle à la puissance de Dieu. Nous voilà donc avertis : la parole de Dieu n’est pas là pour nous conforter mais pour nous surprendre. En matière spirituelle, il faut éviter de penser « je sais » « je connais ». Dans l’évangile de saint Marc, il n’y a que les démons qui disent « je sais qui tu es ». On n’accueille pas l’évangile en l’enfermant dans nos idées ou notre expérience mais en restant disponible à se laisser surprendre. La Parole de Dieu n’est pas la cerise sur le gâteau de nos convictions, elle est une porte qui nous ouvre au monde nouveau, un monde qui nous dépasse et nous fait progresser … et l’on sait bien que ça n’est pas en restant immobile qu’on progresse.

Alors, oui, les textes d’aujourd’hui ne sont pas les plus faciles ni les plus rassurants de la Bible. Comme le petit livre dans l’Apocalypse, ils laissent plus d’amertume que de douceur. Mais c’est pour que nous comprenions combien la Parole est libre, libre de ceux qui l’écoutent, libre de ceux qui la portent, libre de ses résultats. Et cette liberté de la Parole nous libère même si ce n’est pas confortable parce qu’elle se propose de nous guider plutôt que de nous flatter, elle nous dépasse et nous oblige à nous laisser porter plutôt que de tout maîtriser ; elle nous surprend plutôt que de nous conforter

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. En laissant l’annonce de l’ange bouleverser sa vie, elle a permis que tout se fasse en elle selon la Parole ; en s’étonnant des paroles de Siméon, elle a permis que resplendisse la Lumière des Nations ; en se tenant au pied de la Croix, elle a participé au salut du monde. Qu’elle nous apprenne à accepter l’inconfort d’une vie spirituelle qui nous rapproche toujours plus et toujours mieux de Celui qui nous invite à partager l’éternité dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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