Père Charles Mallard-Mieux comprendre l’Eglise

Mieux comprendre l’Eglise
5° Dimanche de Pâques – Année C
Ac 14,21b-27 ; Ps 144 (145) ; Ap 21,1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35
Je dois vous avouer que les textes de ce jour m’ont un peu déconcerté. Je sais bien que tout est en Dieu, mais il me semblait qu’ils étaient tellement différents qu’il était difficile d’en dégager un fil conducteur un peu précis. Qu’y a-t-il de commun entre de récit de la fin de la mission de Paul et Barnabé en Asie mineure, la vision de la Jérusalem céleste et la gravité des paroles de Jésus après que Judas fut sorti du cénacle ? Trois époques différentes, trois styles différents, trois ambiances différentes. J’allais me résoudre à tirer au sort le texte que je commenterai, quand je me suis rendu compte que chacun attirait notre attention sur un aspect de l’Église. Puisque l’Esprit Saint les avait rassemblés c’était peut-être pour nous faire comprendre que ces trois aspects étaient à la fois essentiels et complémentaires.
D’abord l’histoire de Paul et Barnabé. Avant de rentrer rendre des comptes de leur mission, ils prennent le temps de revenir dans les villes où ils sont passés pour organiser les nouvelles communautés. Après avoir exhorté les chrétiens à persévérer dans la foi, ils désignent des Anciens « pour chacune de leurs Églises ». Ils font même une prière spécifique pour ceux qui sont maintenant chargés d’accompagner et de veiller sur leurs frères. Une communauté chrétienne n’est pas un club d’amis, si convivial soit-il. Il y a une organisation, et les responsables ne sont pas élus, ils sont désignés. De la même manière Paul et Barnabé avaient été remis à la grâce de Dieu à Antioche de Syrie et c’est pourquoi ils vont rendre des comptes à ceux qui les ont envoyés. En termes savants on appelle cela la ministérialité. Il ne s’agit pas seulement d’une répartition des tâches mais d’une dynamique de mission qui nous rappelle que l’Église ne dépend pas de nos humeurs ou de nos affinités, mais qu’elle est une institution structurée à laquelle nous participons, selon ce qui nous est demandé.
Ensuite, le texte de l’Apocalypse donnait à voir la « Jérusalem nouvelle qui descend du ciel d’auprès de Dieu ». La demeure de Dieu avec les hommes n’est pas une tour de Babel que nous construisons pour nous élever, elle est une promesse et un appel, un don de Dieu vers lequel nous marchons. « Comme une épouse parée pour son mari », l’Église est un mystère, elle n’est pas son propre but. La vision de Jean nous invite à regarder au-delà de notre horizon pour éviter de nous croire arrivés et pour rester dans l’attente du ciel nouveau et de la terre nouvelle. Sans cette ouverture vers le Ciel, la communauté chrétienne risque d’être une entreprise religieuse ou philanthropique recherchant désespérément un confort au lieu de se disposer au Salut.
Enfin l’évangile nous rappelait le commandement du Seigneur « A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». C’est que l’Église est aussi communion, elle respire du souffle de Dieu, son cœur bat au rythme du cœur de Dieu. Sans doute savons-nous que Jésus nous a demandé de « nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés » et peut-être trouvons-nous cela trop beau et un peu utopique. Pourtant en nous indiquant l’amour mutuel comme critère de crédibilité, le Christ nous donne le moyen de vérifier que nous ne sommes pas enfermés dans nos idées : veiller à la qualité de nos relations nous empêchera de faire de la foi une illusion qui détourne de ceux qui sont avec nous et qui ont besoin de nous.
Ainsi les trois textes de la Parole d’aujourd’hui nous donnent trois repères pour comprendre l’Église et vivre ensemble dans la lumière de Pâques. Institution, mystère et communion, sont comme un trépied qui garantit notre fidélité. Si l’un ou l’autre manque, on oubliera d’où l’on vient, où l’on va, ou qui l’on est, et la communauté tournera au club fermé, à l’entreprise ou au mirage.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Reine des apôtres, qu’elle nous garde fidèle à la mission qui nous est confiée. Mère du Bel Amour, qu’elle nous apprenne à nous aimer les uns les autres comme le Seigneur nous a aimés. Porte du Ciel, qu’elle nous accompagne sur le chemin de la vie éternelle pour que nous puissions entrer dans la Jérusalem céleste et acclamer celui qui se tient sur le Trône : Le Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia !