Père Charles Mallard-Ouvre-toi !

Ouvre-toi !
23e dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Is 35, 4-7a ; Ps 145 (146) ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-35
Comme Jésus guérissait les sourds et les muets, il nous guérit de nos surdités et de nos mutismes spirituels. Cela fait d’ailleurs partie de ce que le prophète Isaïe dans la première lecture donnait comme signe du salut. Ainsi Jésus se manifeste-t-il comme le messie. Le sens du texte paraît simple, approfondissons donc notre lecture pour aller plus loin dans l’écoute de la Parole.
Jésus se promène et sa réputation n’étant plus à faire, même dans ce territoire païen de la Décapole. Aussi on lui amène quelqu’un, en « suppliant Jésus qu’il pose la main sur lui ». Peut-être simplement pour le bénir. Mais il y a fort à parier que cette bénédiction porte des espoirs de guérisons, ou du moins d’amélioration !
Là, au lieu du geste simple, presque magique, qu’on attend de lui, Jésus s’isole : « il emmène l’homme à l’écart, loin de la foule ». Il ne s’agit donc pas simplement d’un miracle mais d’une rencontre. Jésus n’est pas une machine à guérir qui distribue des grâces au hasard de la foule. Il veut rencontrer les gens, dans une certaine proximité, dans une certaine intimité. Pour faire connaissance avec quelqu’un au milieu d’une foule il faut s’isoler un peu, sinon on ne rencontre personne, même si l’on croise beaucoup de gens. Voilà une première étape : prendre les moyens de rencontrer le Christ, sans simplement le croiser. Prendre le temps de s’isoler, d’aller à l’écart. Et déjà nous sommes interrogés dans notre vie : au moment où l’année reprend et où les activités se font plus nombreuses, est-ce que nous pourrons aller loin de la foule pour rencontrer le Christ ? C’est le début de toute histoire spirituelle. C’est la raison d’être de nos églises et oratoires : permettre d’aller à l’écart pour la rencontre avec Dieu.
Et puis il arrive quelque chose d’étrange : « Jésus lui met les doigts dans les oreilles, prend de la salive et lui touche la langue » … c’est un peu dégoûtant et l’on se dit que ce n’était pas la peine de donner ce genre de détail ! Mais alors pourquoi est-ce écrit ? Ce qui frappe c’est l’aspect tactile du geste de Jésus … Un geste qui va jusqu’à l’infirmité de cet homme. On attendait de lui qu’il pose la main, Jésus va plus loin : il touche du doigt. Et la guérison est décrite en termes concrets, toujours tactiles : ouvrir, délier … ce sont des actions qui demandent l’intervention directe, qui demandent de mettre la main à la tâche, qui ne se font pas à distance. Jésus n’a pas peur de s’impliquer, de se compromettre, de prendre à pleine main nos problèmes … De nos jours où nous sommes particulièrement sensibles à l’hygiène, nous sommes peut-être plus à même de mesurer à quel point par ce geste Jésus manifeste la totalité de son engagement pour nous : il ne se protège pas mais agit pour nous.
Après avoir prié, Jésus prononce une parole apparemment toute simple : « Effata », c’est-à-dire ouvre-toi. Mais à qui s’adresse cette invitation ? On pourrait penser qu’il commande aux oreilles et à la langue de ce pauvre malheureux. Et bien non, car alors il aurait dit « ouvrez-vous » ; il s’adresse à l’homme lui-même. Sans doute certaines sensibilités thérapeutiques se réjouiront de voir que Jésus s’adresse à la personne plus qu’aux symptômes, et l’on pourrait gloser à l’infini sur les raisons qui font que cet homme était renfermé. L’essentiel est de noter qu’au cœur de la rencontre avec Jésus, une rencontre personnelle, une rencontre en profondeur, une rencontre où Dieu s’engage et se livre sans s’épargner, au cœur de cette rencontre l’homme est invité à s’ouvrir … à se livrer à son tour, à se délier de toutes ses protections contre les autres et contre Dieu.
Et nous, qui avons vécu cette rencontre au jour de notre baptême, même si cela fait bien longtemps, et que nous n’avons pas un souvenir précis ; aujourd’hui la parole de Dieu nous est de nouveau adressée : « ouvre-toi » … Nous sommes invités à une rencontre en profondeur. Non pas quelque chose de superficiel, d’épidermique. Aller au-delà de la rencontre mondaine pour nous laisser toucher par Dieu. L’apôtre Jacques nous invitait à mesurer la profondeur de notre foi à l’aune de nos relations … Quel regard posons-nous sur les gens ? Est-ce que nous sommes capables de saluer telle ou telle personne, simplement parce qu’elle est à coté de nous pour prier ? Même si on ne la connaît pas ? Même si sa vie professionnelle nous sépare ? Même si elle n’est pas du même milieu que nous ?
En ce temps de rentrée nous avons de multiples occasions de répondre concrètement à l’invitation du Christ « Effata », « Ouvre-toi ». Ouvre-toi au Père et à sa Parole en prenant les moyens de venir à l’écart et de prier. Ouvre-toi au Fils en accueillant ceux dont tout nous sépare, sauf l’évangile qui nous rassemble. Ouvre-toi à l’Esprit en témoignant de l’évangile là où nous sommes, en vivant en profondeur, dans l’engagement et l’implication.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cet appel et à le laisser transformer nos vies. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous rende présents à la présence de celui qui nous appelle à la rencontrer. Mère du Bel Amour, qu’elle tourne nos cœurs vers ceux que le Seigneur nous confie par le hasard de la vie et la puissance de l’évangile. Miroir de la Sainteté de Dieu, qu’elle nous apprenne à retentir de ce que nous avons entendu pour que nous puissions resplendir du salut dès maintenant et pour les siècles des siècles.