Père Charles Mallard-Panique ou prière

Panique ou prière
1° dimanche de l’Avent – Année C
Jr 33,14-16 ; Ps 24 ; 1 Th 3,12-4,2 ; Lc 21,25-28.34-36
Avec la régularité inexorable du calendrier, nous voici donc en ce temps de l’Avent qui nous prépare aux fêtes de Noël. Autour de nous, s’installe la féérie des animations qui conjurent la diminution du jour, mais le sens spirituel du temps est un peu différent. Il s’agit de se préparer à la venue du Seigneur dans la nuit de Bethléem en se souvenant qu’il faut être prêt pour son retour dans la gloire. C’est d’ailleurs le thème que nous retrouvons dans les textes que nous venons d’entendre. Il y a d’ailleurs un contraste saisissant entre l’oracle de Jérémie « voici venir des jours où j’accomplirai la parole de bonheur » et les paroles de Jésus qui annoncent l’ébranlement des puissances célestes et l’affolement des nations. Cependant à bien y regarder, l’évangile est un peu plus nuancé sur la situation et l’on peut remarquer trois types d’attitudes devant l’avenir.
La première, la plus spectaculaire, c’est la panique. La vraie panique, pas un petit affolement passager : « les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde ». Pourquoi cette panique ? non pas à cause de ce qui se passe, mais à cause de ce qu’on attend. C’est la situation de celui qui pense l’avenir comme l’image du présent. Dès qu’il y a un bouleversement dans le présent, l’imagination suppose une catastrophe dans l’avenir. Le changement suscite l’inquiétude et l’avenir fait peur quand le présent n’est plus ce à quoi on est habitué. On trouvera facilement autour de nous, des discours qui font écho à ce type de philosophie, et notre époque est assez significative de cette panique devant le futur. Évidemment, ce n’est pas ce à quoi Jésus nous encourage ! Bien au contraire il nous invite « redressez-vous, relevez la tête, car votre rédemption approche ». Attendre la promesse du bonheur, c’est refuser d’envisager l’avenir sur le modèle du présent. Et pour cela, il faut faire confiance à la Parole de Dieu. C’est pourquoi nous sommes invités, pendant le temps de l’Avent, à intensifier notre fréquentation de la Bible.
Il y a une deuxième attitude évoquée dans l’évangile, elle est en filigrane de l’avertissement « que ce jour-là ne tombe pas sur vous à l’improviste ». C’est que pour éviter d’avoir peur de l’avenir, on peut essayer d’en détourner les yeux en ne s’occupant que du présent. Mais Jésus nous avertit de l’alourdissement du cœur « dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie ». On peut bien espérer que nous ne soyons pas trop concernés par les beuveries et l’ivresse, mais aucun de nous n’échappe aux soucis de la vie. Qu’il soit une illusion ou un poids, quand le présent est trop présent, notre cœur s’alourdit et nous risquons de faire de l’avenir une mauvaise surprise. On ne fuit pas la panique dans l’étourdissement. « Tenez-vous sur vos gardes » dit Jésus. Ainsi le temps de l’Avent est-il aussi un temps de conversion, un temps de sobriété pour rester vigilant et éviter de laisser notre cœur s’alourdir.
Enfin, le texte nous invite à la troisième attitude, celle qui permet de se tenir debout devant le Fils de l’homme : « priez en tout temps ». Cette précision « en tout temps » nous fait comprendre qu’il ne s’agit pas de la prière désespérée dans la panique, il ne s’agit pas non plus de la prière formelle de la routine, il s’agit d’une prière qui rythme la vie, comme le souffle de notre respiration. C’est une manière de vivre en présence de Dieu, d’anticiper la gloire qui nous est promise en étant déjà présent à celui qui vient. Prier en tout temps, c’est vivre le présent selon le modèle du futur, l’exact inverse de celui qui meurt de peur dans l’attente de ce qui doit venir. Quand on pense le futur en fonction du présent, on panique ; quand on prie, on vit le présent en fonction du futur. Aussi le temps de l’Avent est-il un temps pour intensifier notre prière, pour lui donner plus de temps, pour donner plus de place dans notre vie à celui qui vient.
En cet Avent qui commence, souvenons-nous de nous préparer non seulement à Noël, mais surtout à la Rencontre avec le Seigneur. Fréquentons plus assidument la parole de Dieu pour éviter de croire que l’avenir est à l’image du présent, ce qui conduit à la panique. Restons vigilants pour ne pas nous étourdir dans un présent trop dense ou illusoire. Prions de plus en plus pour vivre déjà ce qui nous est promis.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du matin qu’elle garde nos cœurs fixés sur les promesses du Seigneur ; Mère du Bel Amour qu’elle nous garde vigilants à suivre l’exemple du Christ ; Demeure de l’Esprit Saint qu’elle garde nos vies tournées vers celui qui vient pour que la prière nous apprenne à demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.