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Père Charles Mallard-Richesses ou trésor ?

10 octobre 2021

Richesses ou trésor ?

28° dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Sg 7,7-11 ; Ps 89(90) ; He 4,12-13 ; Mc 10,17-30

L’évangile que nous venons d’entendre est à la fois magnifique et terrible. Magnifique parce qu’il est riche d’humanité, les personnages sont proches de nous, attachants. Terrible parce qu’il se termine mal, et qu’il nous laisse impuissants, avec un goût de perplexité, comme condamnés à l’échec. Mais reprenons le cours de l’histoire, pour mieux la comprendre.

D’abord il y a la rencontre entre Jésus (qui est sur le point de partir) et cet homme qui vient le déranger. Jésus semble agacé, il répond sèchement et sans enthousiasme. « Pourquoi m’appelles-tu bon ? ». Une manière de dire qu’il n’est pas dupe, que Jésus n’est pas le corbeau de la fable. L’homme veut « hériter de la vie éternelle », peut-être comme un privilège. Le Seigneur semble penser qu’il a affaire à un renard, quelqu’un qui voudrait obtenir une dérogation et négocier la vie éternelle. Alors Jésus casse tout espoir de magouille : « tu connais les commandements : observe-les ». On ne se dispense pas de la Parole de Dieu, on ne se dispense pas de la vie morale et de la justice. Il n’y a pas d’autre chemin vers le bonheur que le respect des autres, de ce qu’ils ont, de ce qu’ils font, de ce qu’ils sont.

Alors l’homme se dévoile. « Tout cela je l’ai observé depuis ma jeunesse ». Il ne s’agissait pas d’être dispensé de la Loi mais de la porter à son achèvement : la justice et la droiture ont creusé en lui la soif de Dieu. Il sent bien qu’il y a autre chose, que la justice ne suffit pas. Alors Jésus s’intéresse à lui, il le regarde et se met à l’aimer. C’est exceptionnel dans l’évangile. C’est la seule fois qu’on dit que Jésus aime un inconnu qu’il rencontre. Aussi, il lui propose d’aller plus loin, de devenir un disciple : « abandonne tes richesses pour obtenir un trésor dans les cieux : viens et suis-moi ». Il lui propose d’être comme le collectionneur qui vend toutes ses perles pour acheter La perle par excellence, comme celui qui vend tout ce qu’il a pour acheter le champ dans lequel se trouve le trésor de sa vie. « Une seule chose te manque » dit le Seigneur, et c’est la disponibilité à la présence de Dieu.

Malheureusement passer du juste au disciple est difficile. Et l’homme y renonce. Et il repart tout triste. Et Jésus lui-même semble presque désemparé et impuissant : « comme il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille ». Par le dialogue avec les disciples nous comprenons qu’il ne faut pas imaginer une image approximative : c’est impossible … mais tout est possible à Dieu. Parce qu’il est possible d’être juste et droit ; il est possible d’écouter la Parole de Dieu et de la mettre en pratique ; mais entrer dans la vie éternelle, cela suppose de lâcher prise et de faire confiance à Dieu. Les richesses – matérielles ou spirituelles – ce sont tous les biens que l’homme peut conquérir, mais au-delà des richesses, il y a un trésor, et un trésor ça ne se construit pas, ça se découvre, ça se reçoit. Et l’on ne peut pas à la fois fermer nos mains pour tenir nos richesses et les ouvrir pour accueillir le trésor de Dieu.

Alors, nous, qu’allons-nous faire ? « La Parole est plus coupante qu’une épée à deux tranchants, elle juge des intentions et des pensées des cœurs » disait la lettre aux Hébreux. Vérifions déjà que nous ne sommes pas des magouilleurs de la vie éternelle. Il ne suffit pas de s’agenouiller et de prier avec déférence pour se dispenser de la vie morale et des commandements. La piété n’a jamais autorisé à faire du tort à quiconque. Nous devons au moins être de ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique. Et le signe que nous l’aurons vraiment fait, c’est que nous sentirons que ça ne suffit pas et que nous voudrons aller plus loin. Alors Jésus posera son regard sur nous et nous aimera, et il nous proposera d’être disciples. L’évangile de ce jour ne nous propose pas de repartir triste et la mine sombre, mais de dire comme Pierre « voilà ce que nous avons quitté pour te suivre ». Non pas comme un titre de gloire, pour revendiquer quoique ce soit du Seigneur, mais pour ouvrir nos mains et nos cœurs au don de Dieu, pour nous en remettre au Maître de l’Impossible.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à aller jusqu’au bout de l’appel du Christ. Trône de la Sagesse qu’elle nous rende attentifs à ceux que le Seigneur nous confie. Porte du Ciel qu’elle creuse en nous le désir de la vie éternelle. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraîne dans la générosité aux dimensions du cœur de Dieu pour que nous puissions recevoir ce qu’il veut nous donner et demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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