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Père Charles Mallard-Soupçonner l’indifférence de Dieu ?

20 juin 2021

Soupçonner l’indifférence de Dieu ?

12° dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Job 38,1.8-11 ; Ps 106 ; 2 Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41

L’épisode de la tempête apaisée est un grand classique de l’évangile. C’est une histoire assez simple, avec ce qu’il faut de suspens pour ne pas s’ennuyer et suffisamment d’images pour en faire de subtiles interprétations. Mais n’allons pas trop vite dans la lecture symbolique : si l’on comprend mal le texte, on risque de lui faire dire n’importe quoi. D’autant qu’en matière de rebondissement, on a parfois tendance à penser à la fin avant d’écouter le début : évitons donc de conclure avant de commencer ! Sans doute la question finale est-elle la morale de l’histoire, mais la première lecture nous en apportait la réponse : celui qui commande à la mer et au vent, c’est le Seigneur. En revanche on peut se demander ce que Jésus reproche aux disciples. De n’avoir pas la foi, certes … mais qu’est-ce qui nous montre qu’ils n’ont pas la foi ?

Serait-ce d’avoir réveillé Jésus alors qu’il dormait tranquillement après une longue journée de prédication ? Personnellement, je trouve qu’ils ont bien fait puisque ça a permis de résoudre le problème de cette violente tempête ! Bien sûr, on pourrait leur reprocher de n’avoir pas chercher à s’en sortir par leurs propres forces. C’étaient des marins expérimentés, et ce n’était sans doute pas leur première tempête … mais d’abord, surtout en mer, l’expérience ne résout pas tout, et surtout il est difficile de considérer que la foi consisterait à se passer de Dieu ! Saint Paul invitait d’ailleurs à centrer notre vie sur le Christ et non pas sur nous-mêmes. Tout au plus peut-on imaginer que Jésus regrette qu’ils ne l’aient pas réveillé plus tôt, mais le reproche d’être craintif aurait été plus justifiée s’ils l’avaient imploré à la première vague ou au premier nuage. Toujours est-il que se tourner vers Jésus n’est pas un manque de foi.

Peut-être alors que c’est leur affirmation « nous sommes perdus » qui trahit leur manque de foi ? Là, c’est plus crédible. On n’est jamais perdu quand on est avec le Seigneur ! Ils auraient mieux fait de dire « nous ne nous en sortons pas, on a besoin de toi ». Et c’est vrai que trop souvent nous préférerions que le Seigneur nous évite les tempêtes plutôt que d’avoir besoin d’être aidé. Il y a quelque chose de trop catégorique à penser qu’on est perdu simplement parce qu’on est dépassé par les événements. Vous me direz qu’ils ont l’excuse de la panique qui fait souvent exagérer les choses, c’est humain ! Justement saint Paul avertissait « nous ne regardons plus d’une manière simplement humaine ». La foi nous invite à ne pas nous laisser submerger par la panique. Comme Jésus intime à la mer de se taire, la foi intime à l’affolement de se taire. Il y a dans l’attitude du Seigneur sur la mer déchaîné, quelque chose de très semblable à son affrontement avec les esprits mauvais « Silence, tais-toi ». Il ne s’agit pas de minimiser les souffrances, ni de nier les difficultés, mais de les remettre en perspective de la présence de Dieu, de son amour et de sa puissance. La foi nous invite à ne pas nous laisser enfermer dans les ténèbres de la mort mais à garder le regard fixé sur la lumière de la vie divine.

Pourtant c’est surtout leur reproche « cela ne te fait rien ? » qui révèle la faiblesse de leur foi. Soupçonner l’indifférence de Dieu, voilà sans doute la plus grande des tentations. Sans doute leur étonnement devant le miracle de cette tempête soudainement apaisée explique-t-il qu’ils n’aient pas appelé Jésus à l’aide, mais c’est précisément le point crucial de la foi : faire suffisamment confiance au Seigneur pour se remettre entre ses mains. Dans les tempêtes de la vie on imagine trop souvent le Christ en train de regarder sur la rive, alors qu’il est dans notre barque. Et même s’il semble dormir, l’essentiel est qu’il soit présent. « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous » disait saint Paul ; comment dans ces conditions imaginer que Dieu soit indifférent à nos épreuves ?

Qu’est-ce que les disciples auraient dû faire ce jour-là ? Réveiller Jésus plus tôt ? Lui demander de l’aide ? Se coucher avec lui à l’arrière du bateau en disant comme Thomas dira plus tard « allons-y nous aussi pour mourir avec lui » ? Je ne sais pas, mais la bonne question à se poser c’est surtout : qu’est-ce que nous faisons, nous, lorsque nous sommes pris dans les turbulences de la vie ? La foi n’est ni une émotion ni une idée, mais une décision et une connaissance, et c’est la foi qui nous tourne vers le Seigneur dans une prière plus fervente ; c’est la foi qui impose le silence aux sirènes de la panique pour que la Parole nous ouvre à l’espérance ; c’est la foi qui refuse le soupçon de l’indifférence pour que nous goûtions à la présence de l’amour de Dieu.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du Matin qu’elle garde nos yeux fixés sur le Christ ; Consolatrice des affligés qu’elle garde nos cœurs disponibles au Salut ; Refuge des pécheurs qu’elle garde nos vies présentes à la Présence pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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