Père Charles Mallard-Vérité du royaume ou Royaume de la vérité

Vérité du royaume ou Royaume de vérité
Christ Roi de l’Univers – Année B
Dn 7,13-14 ; Ps 92 ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37
Tout d’abord Jésus demande : « dis-tu cela de toi-même ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » comme si l’enjeu n’était pas tant la royauté de Jésus que la conviction de Pilate. Évidemment on peut reconnaître un roi sans être soi-même sujet de celui-ci ; évidemment aussi, beaucoup de nos idées viennent de ce que d’autres ont dit. Mais ce n’est pas la même chose de répéter ou d’affirmer. Ainsi ce que Jésus pointe ici, c’est la nature d’une parole, et l’on sent bien qu’il attend, sinon de Pilate ou moins de nous, une parole personnelle. Peu importe que d’autres nous apprennent ou nous désignent la royauté du Christ, est-ce que nous acceptons d’en faire une parole qui nous engage ?
Ensuite Jésus semble apporter une précision : « Ma royauté n’est pas de ce monde ». C’est un peu la précision qui complique, parce que cela ne nous aide pas beaucoup à comprendre ce qu’est cette royauté … mais au moins nous pouvons comprendre ce qu’elle n’est pas. D’autant que Jésus illustre : si sa royauté était de ce monde, il n’aurait pas été arrêté. C’est là que nous réalisons combien que nous avons tendance à espérer une royauté de ce monde, comme si le baptême donnait une force pour éviter de souffrir et nous épargner les difficultés ! L’histoire montre, hélas, que les plus grandes difficultés de l’Église, sont souvent nées d’une puissance trop affirmée dans le monde. Chaque fois que les chrétiens ont fait le choix de la force ou de la puissance, ça s’est mal terminé ; des catastrophes sont arrivées : scandales ou divisions. Bien sûr il faut souhaiter que tout le monde connaisse le Christ, écoute sa parole et observe ses commandements : mais pas à n’importe quel prix, l’évangélisation ne peut pas se faire à la manière de ce monde.
Enfin Jésus semble donner une lumière particulière : le témoignage de la vérité. Même si ensuite Pilate clôt la discussion par un cynique « qu’est-ce que la vérité ? », on comprend qu’il y a là quelque chose d’essentiel pour pressentir la vraie nature de son royaume : c’est la vérité.
Or Jésus dit « quiconque appartient à la vérité » et non pas « quiconque possède la vérité » … Ce qui suggère un rapport un peu différent de celui auquel on a l’habitude. Il s’agit d’une vérité qui guide, qui conduit, qui nous dépasse, à laquelle on appartient mais qui ne nous appartient pas. Cette vérité d’appartenance nous permet de comprendre que reconnaître le Christ comme Roi de l’univers c’est réaliser que nous ne sommes pas le centre de l’univers … que tout ne tourne pas autour de nous, et cela change bien des choses, car c’est la clé pour écouter.
Parmi les textes que nous avons entendus, il y avait la vision de Daniel. Ce texte nous laisse pressentir que la vérité n’est pas forcément visible, mais qu’elle peut être profonde. Il ne s’agit pas de verser dans le complotisme et de supposer qu’on nous cache tout, mais d’ouvrir nos vies à découvrir ce qu’on ignorait, d’accepter que la parole puisse nous révéler ce qui est présent sans que nous le sachions. Cette vérité est profonde car elle n’est pas forcément visible dans ce monde … aussi, ce n’est pas la force qui permet de l’atteindre. Il ne s’agit pas de la conquérir ou de la défendre : c’est une vérité qu’on découvre et dont on témoigne. Reconnaître le Christ comme Roi de l’Univers, c’est réaliser que nous ne sommes pas le maître du monde, que tout ne dépend pas de nous, et nous avons sans doute là une clé pour la foi.
Et le livre de l’Apocalypse apportait une autre précision importante. Le Royaume est constitué par celui qui nous aime et qui nous a délivré de nos péchés. Ainsi il ne s’agit pas d’une vérité scientifique qui s’impose, mais d’une vérité douce qui se propose. Que nous le voulions ou nous, le Christ nous a aimé et s’est livré pour nous … c’est une vérité qui continuera sans nous, mais sans elle, nous serons malheureux. Cette vérité douce est une possibilité, pas une obligation – et une possibilité, ça se choisit. Reconnaître le Christ comme Roi de l’Univers c’est aussi réaliser que nous faisons partie de l’univers, que nous sommes concernés et que nous sommes engagés.
Ainsi la question la plus importante de cette fête n’est pas tant de savoir en quoi consiste la vérité de la royauté du Christ mais plutôt de découvrir cette royauté de vérité qu’il nous révèle. Une vérité d’appartenance qui nous dépasse et qui déploie en nous un cœur qui écoute ; une vérité profonde qui nous entraîne et qui nous ouvre les yeux de la foi ; une vérité douce qui nous invite et nous appelle à l’engagement.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel, qu’elle nous conduise à la vérité qu’on écoute pour que nous puissions entendre la voix du Seigneur. Trône de la Sagesse, qu’elle nous dispose à la vérité qui entraîne au témoignage de la foi. Mère du bel amour qu’elle nous fasse découvrir cette vérité qui appelle à suivre celui qui nous aime et nous a délivré de nos péchés pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.