Père Charles Mallard-La véritable identité chrétienne
La véritable identité chrétienne
20° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A
Is 56, 1.6-7 ; Ps 66(67) ; Rm 11,13-15.29-32 ; Mt 15,21-28
Si la rencontre entre Jésus et la Cananéenne est sans doute le plus spectaculaire des textes que nous venons d’entendre, il serait dommage d’ignorer l’oracle d’Isaïe comme l’enseignement de la lettre aux Romains. Les trois lectures, en effet, évoquent un même thème, manifestant ainsi son importance d’autant plus grande qu’on le retrouve à des époques différentes de l’histoire du salut. Il s’agit de savoir qui peut bénéficier de la grâce de Dieu, ou en d’autres termes ce qui définit un fidèle du Seigneur. Dans une époque où les crispations identitaires ne manquent pas, la question peut aider à clarifier ce qu’est la vraie identité chrétienne.
Une première tentation serait d’appuyer l’identité sur l’origine. Comme si l’histoire était l’élément déterminant de la vie religieuse. C’est une question qui se posait déjà au temps d’Isaïe, et plus précisément au retour de l’Exil. Certains voulaient réserver le salut aux seuls juifs et ne voulaient admettre au Temple de Jérusalem que les membres de certaines familles. Or précisément le prophète s’inscrit en faux. « Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur, je les comblerai de ma joie ». « Ma maison s’appellera Maison de prière pour tous les peuples ». Ceux qui ont accès au Sanctuaire ce sont ceux qui « observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance ». La vie spirituelle n’est pas un héritage mais une pratique. Sans doute est-ce que cela aide de vivre dans une famille qui aime le Seigneur, mais cela ne dispense personne de s’investir soi-même et d’aimer à la première personne. Ce qui compte pour Dieu ce n’est pas le passé, mais le présent. L’identité n’est pas liée à une origine mais à un comportement.
La rencontre avec Jésus et la Cananéenne souligne un autre aspect. Jésus commence par refuser, y compris de lui parler, sous prétexte qu’elle n’appartient pas au bon groupe. Lorsqu’il dit de « ne pas prendre le pain des enfants et de jeter aux petits chiens », il évoque une appartenance. Que la femme ne nie pas, puisqu’elle va se comparer elle-même à un petit chien. Mais sa réponse et la réaction de Jésus montre que la grâce ne dépend pas de l’appartenance mais de la foi. C’est que le risque serait de croire que faire partie d’un groupe privilégié nous assure de la bienveillance divine. Si l’on appuie l’essentiel de notre identité sur l’appartenance, il y a un véritable risque d’arrogance et de présomption. Sous prétexte qu’on serait baptisé, ou qu’on serait membre de l’église, on serait assuré du salut. Au contraire, la femme de l’évangile en acceptant humblement d’être comparée à un petit chien, garde son cœur ouvert à la confiance en Dieu. Une confiance qui sait persévérer sans se décourager. Être chrétien n’est pas une étiquette mais une foi. L’adhésion à un groupe compte moins que l’accueil de la parole et la disponibilité à la grâce.
Enfin saint Paul reprend encore la question dans sa lettre aux Romains. Il explique à ces chrétiens d’origine païenne de ne pas regarder de haut les juifs, mais d’espérer la miséricorde de Dieu, comme eux-mêmes en ont bénéficié. La remarque est importante, parce qu’on pourrait facilement retomber dans une autre arrogance, celle de croire qu’on a mérité le salut grâce à ce qu’on a fait. Sans doute la pratique est-elle importante, sans doute la foi est essentielle, mais ce qui est déterminant ce ne sont pas nos habitudes ou nos sentiments, c’est la miséricorde du Seigneur. L’identité chrétienne ne se construit pas, elle se reçoit sans mérite de notre part. « Dieu a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde ». Chaque fois que nous serons tentés de nous enorgueillir de ce que nous sommes ou de ce que nous faisons, souvenons-nous de cette affirmation pour nous rappeler que sans la miséricorde de Dieu nous ne serions rien et nous n’aurions rien pu faire ; et que plutôt de nous glorifier nous ferions mieux de rendre gloire à Dieu.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse, qu’elle nous encourage à garder fidèlement la Parole du Seigneur. Secours des chrétiens, qu’elle creuse en nous la disponibilité au don de Dieu. Refuge des pécheurs, qu’elle nous apprenne à reconnaitre la miséricorde qui nous a sauvés pour que nous puissions aimer au rythme du cœur de Dieu et demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.