Père Charles Mallard-Comment tendre l’autre joue?
Comment tendre l’autre joue ?
7° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A
Lv 19, 1-2. 17-18 ; Ps 102 (103) ; 1 Co 3, 16-22 ; Mt 5, 38-48
Il faut déjà remarquer que ce n’est pas la seule consigne que donne le Seigneur. Chaque fois il s’agit de renoncer à la réciprocité du mal : ce n’est pas parce qu’on a souffert qu’on doit faire souffrir. Il y a aussi une notion de générosité : autant donner ce que l’on nous prend ; et puis il y a aussi cette affaire d’aimer ses ennemis, donc d’aimer tout le monde, qu’on nous aime ou non ! En fait, comme le souligne la conclusion de l’évangile, il s’agit d’aimer comme Dieu aime. Avant de nous dire ce qu’il faut faire, l’évangile nous montre ce que Dieu fait : car lui le premier ne riposte pas au méchant ; lui le premier donne plus que ce qu’on demande, et il nous aime quoique nous fassions.
Mais revenons à cette histoire de joue. Que s’est-il passé lorsque Jésus a été giflé, lors de sa passion, chez le grand prêtre ? Certes il n’a pas rendu le coup (il n’en avait d’ailleurs sans doute pas la possibilité). Mais il n’est pas resté passif, il n’est pas resté sans rien dire, et l’on peut même dire qu’il a pris le risque d’une nouvelle gifle en répliquant : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? ». L’attitude de Jésus illustre ce que nous avons entendu dans le texte du lévitique. D’ailleurs le texte a le même thème que l’évangile : « Être saint comme Dieu est saint » en aimant son prochain comme soi-même. Pourtant souvent on n’écoute pas ce texte, ou plutôt on ne l’écoute pas bien : on passe directement à la conclusion, ce qui est dommage parce qu’avant, il y a des indications qui tracent le chemin vers l’amour du prochain : refuser la haine, reprocher le mal, renoncer à la vengeance, abandonner la rancune et enfin aimer. Chacun de ces commandements permet le suivant. Comment aimer si l’on garde rancune ? Ce n’est pas possible ! Et de la même manière puisque la vengeance entretient la rancune, on ne peut donc pas se débarrasser de l’une sans renoncer à l’autre… mais surtout, il faut d’abord commencer par reprocher : « tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui » ce qu’on peut traduire aussi par « ainsi tu ne partageras pas son péché », ou encore « tu ne porteras pas le poids de son péché ».
Ainsi, le reproche est le début du pardon. C’est le reproche qui rend possible le pardon, parce qu’il permet la justice. Surtout quand il n’y a pas d’aveu. Sans reproche, où cherchera-t-on la justice ? Dans la vengeance ou dans nos propres sentiments … ce qui l’exact contraire de la justice ! En vérité, il est très important de réaliser que le pardon n’est pas incompatible avec le reproche … et que même parfois, il faut avoir reproché pour pouvoir pardonner. Cela nous fait comprendre le lien entre le pardon et l’amour : il ne s’agit pas de subir mais de choisir. Choisir d’aimer malgré tout, quoiqu’il soit arrivé. Quand on réalise que l’amour seul est capable de révéler le goût de de la vie, alors on comprend combien il est important d’y tenir, et l’on tient à l’amour par le pardon.
Tendre la joue, c’est être disponible et au pardon, et ce n’est pas un acte de faiblesse ou de lâcheté, bien au contraire c’est un acte de force. Tellement puissant que parfois cela nous semblera impossible. Et c’est vrai qu’il y a quelque chose de divin dans le pardon. Mais justement, saint Paul nous rappelait : « vous êtes le temple de Dieu et l’esprit de Dieu habite en vous. » Croyons-nous que Jésus nous demanderait des choses impossibles ? Difficiles peut-être, impossibles jamais ! S’il nous demande d’être « parfaits comme le Père céleste est parfait », alors c’est que nous en avons les moyens, et qu’il est possible d’être comme le Père. Accepter la Parole avec foi, c’est découvrir la promesse qui accompagne le commandement. Dieu ne demande jamais rien sans en donner les moyens, mais pour profiter des moyens, il faut accepter de faire ce qui est demandé ! Nous n’aurons la force de tendre l’autre jour, que si nous acceptons d’en tenter l’aventure puisque le Seigneur nous l’a demandé !
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel, qu’elle augmente notre espérance pour que nous puissions voir ce que le Seigneur promet. Secours des Chrétiens, qu’elle fortifie notre foi pour que nous puissions accueillir le don de Dieu qui nous permet de faire ce qui nous est demandé. Mère du Bel Amour, qu’elle soutienne notre charité pour que nous puissions vivre à la hauteur de Dieu, dès maintenant et pour les siècles des siècles.