Père Charles Mallard-Regarder au cœur
Regarder au cœur
4° Dimanche de Carême – Année A
1 S 16, 1.6-7. 10-13a ; Ps 22 ; Ep 5,8-14 ; Jn 9,1-41
Il y a d’abord la question de la bonté. Est-ce que ce que je fais est bien ? Normalement on agit pour faire ce qui est bien, ou ce qui nous parait préférable. Si l’on ne voit aucun intérêt à une chose, on fera tout pour l’éviter. Mais parfois nous ne regardons pas assez loin, et une chose bonne au début peut se révéler mauvaise plus tard. Et puis la tentation repose justement sur le principe de se laisser séduire par une apparence de bonté. Il nous faut reconnaître que nous ne pouvons pas toujours voir le bien véritable. C’est de cette frustration que nait le scandale du mal : pourquoi telle catastrophe ? Pourquoi telle souffrance ? C’est aussi la question des disciples à Jésus : « pourquoi est-il né aveugle ? ». La réponse du Seigneur peut paraître déconcertante, car elle ne donne aucune explication, mais une invitation : « il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé ». La lumière de la Parole de Dieu n’éclaire pas la bonté en termes de morale mais d’engagement.
Ensuite il y a la question de la justice. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Sur ce point les apparences sont parfois floues. Il peut y avoir un doute. On le voit dans le dilemme des pharisiens : qu’est-ce qui est le plus juste, de respecter le jour du sabbat ou de permettre à un aveugle de voir ? Même si nous connaissons la réponse, ne nous hâtons pas de conclure trop rapidement. La division entre les pharisiens montre bien que le problème est subtil. Est-ce qu’on accomplit la volonté de Dieu en désobéissant à sa parole ? Il est tentant de considérer que le miracle est ce qu’il y a de plus juste, mais Dieu serait-il injuste quand il ne répond pas à nos espoirs ? En vérité, la transformation la plus importante de l’aveugle-né, c’est celle qui arrive lors de la deuxième rencontre avec Jésus. « Crois-tu au Fils de l’homme ? » « Je crois Seigneur ». Comme le soulignera saint Paul, la lumière de Dieu sur la justice n’est pas la loi mais la foi.
Enfin il y a la question de la vérité. C’est elle qui est la plus gravement en jeu dans la colère des pharisiens. « Nous savons que cet homme est un pécheur ». Soyons honnêtes envers eux, ils ne pouvaient pas savoir que Jésus était Dieu fait homme et que s’il y a quelqu’un dans l’histoire chez qui l’on ne peut pas trouver de péché c’est Jésus. Mais ils auraient au moins pu reconnaître que Jésus n’était pas pire qu’un autre, au contraire ! Ce qui les aveugle c’est leur assurance qui se fait arrogance. C’est toujours mauvais signe quand quelqu’un affirme de manière péremptoire « Moi, je sais ». On se souvient que dans l’évangile les seuls à dire « je sais qui tu es » ce sont les démons ! La lumière de Dieu ne peut pas éclairer la vérité aux yeux des orgueilleux, de ceux qui ne veulent pas voir. « Du moment que vous dites “nous voyons” votre péché demeure ». C’est par l’humilité et la disponibilité qu’on peut accueillir la lumière de Pâques.
Si nous voulons entrer dans le resplendissement de la résurrection, il nous faut accepter de ne pas regarder aux apparences mais au cœur en se laissant éclairer par la lumière du Christ. C’est lui qui nous permet de découvrir le cœur des autres au-delà des apparences trompeuses en percevant la bonté dans l’engagement ; c’est lui qui nous permet de découvrir le cœur de Dieu au-delà des apparences obscures en cherchant la justice par la foi ; c’est lui qui nous permet de découvrir le cœur du monde au-delà des apparences superficielles en scrutant la vérité dans l’obéissance à sa Parole
Que le Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à nous laisser éclairer par le Seigneur pour entrer dans le regard de Dieu. Rayonnement de Joie, qu’elle ouvre nos yeux aux appels de la miséricorde. Miroir de la sainteté de Dieu, qu’elle ouvre nos vies à la présence du Seigneur. Etoile du matin, qu’elle ouvre nos cœurs à Celui qui nous invite à partager sa Lumière, pour que nous demeurions en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.