Père Charles Mallard-La joie de la germination
La joie de la germination
3* Dimanche de l’Avent – Année B
Is 61,1-2a.10-11 ; Lc 1,46-54 ; 1 Th 5,16-24 ; Jn 1,6-8.19-28
Parmi les nombreuses traditions de l’Avent, nous avons en Provence, la coutume du blé de la Sainte Barbe qui peut nous aider à accueillir la parole du prophète Isaïe entendue dans la première lecture : « comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations ». Cette image de la germination nous permet aussi de mieux comprendre la joie à laquelle nous invitait l’antienne d’ouverture : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, je le redis : soyez dans la joie. Le Seigneur est proche ». Voyons ce que peut nous apprendre la joie de la germination pour vivre ce temps qui nous prépare à Noël.
La germination est d’abord une promesse qui a déjà commencé. Il ne s’agit pas d’une promesse illusoire ou trompeuse, mais d’une parole qui est déjà en train de se réaliser. Et cela implique une certaine anticipation de ce qui est promis. Si vous plantez un arbre, sans penser à ce qu’il sera dans quelques années, vous risquez fort de le planter trop près de la maison ! Ainsi la germination invite à ne pas vivre dans l’impulsion de l’instant, mais à laisser l’avenir guider le présent. La joie de la germination est une joie par anticipation qui se nourrit de ce qui vient. Aussi le temps de l’Avent nous invite à ne pas nous laisser conduire par les caprices du désir ou l’éphémère de l’émotion, mais par la contemplation de la Parole de Dieu. C’est le temps par excellence pour méditer la Parole du Seigneur, pour la lire et la découvrir, pour la scruter et l’explorer, pour la garder et la ruminer.
Mais la germination demande aussi du discernement. Dans notre impatience nous risquons de négliger la justice et la louange qui commencent à éclore. La graine est si différente de la plante épanouie ! Il est si facile d’être dans la situation que dénonçait Jean Baptiste : « au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Voilà pourquoi saint Paul avertit : « n’éteignez pas l’Esprit […] discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal ». La joie de la germination est aussi une joie qui choisit de s’attacher à certaines choses plutôt qu’à d’autres. Si Dieu nous avertit de sa venue, ça n’est pas pour que nous y restions indifférents ! Aussi le temps de l’Avent est encore un temps de prière, un temps où nous laissons l’Esprit Saint éclairer nos cœurs et nos esprits pour que nous puissions reconnaître ce qui mérite notre attention, ce qui vient du Seigneur et ce qui conduit en sa présence.
Enfin la germination demande encore de la vigilance. La semence est fragile, et elle a besoin qu’on en prenne soin. Comment la plante grandirait si on ne l’arrose pas ? si elle n’est pas placée dans les conditions qui permettent qu’elle s’épanouisse. Ce n’est pas nous qui faisons germer la graine et pousser la fleur, mais nous pouvons l’en empêcher ou la favoriser. Ce n’est pas parce que nous ne dirigeons pas que nous ne pouvons rien faire. La joie de la germination est une joie décidée, qui nous implique et nous engage. C’est ainsi qu’il nous appartient de préparer les chemins du Seigneur, comme le criait Jean Baptiste dans le désert. Nous attendons le Merveilleux Conseiller, et nous préparons son chemin en nourrissant les germes de la sagesse par l’humilité ; nous attendons le Dieu-fort, et nous préparons son chemin en nourrissant les semences de la force par les efforts ; nous attendons le Père à jamais, et nous préparons son chemin en nourrissant les germes de l’amour par la générosité ; nous attendons le Prince de la Paix, et nous préparons son chemin en nourrissant les semences de la paix par le pardon. Le temps de l’Avent est bien un temps de conversion pour que la justice et la louange puissent germer là où nous sommes et éclore devant toutes les nations.
Nous voilà donc invités à entrer dans la joie de la germination. Une joie qui anticipe la promesse en s’attachant à la parole du Seigneur ; une joie qui choisit la justice en se laissant éclairer par l’Esprit ; une joie qui décide la louange en prenant soin du don de Dieu.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous apprenne à accueillir la promesse avec confiance. Mère du bon conseil qu’elle nous rende disponibles au souffle de l’Esprit Saint. Rose mystique qu’elle épanouisse en nous ce que Dieu a semé pour que nous puissions accueillir sa présence et revêtir les vêtements du salut, dès maintenant et pour les siècles des siècles.