Père Charles Mallard-Choisir le parti de la vie
Choisir le parti de la vie
13° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Sg 1,13-15 ; 2,23-24 ; Ps 29 (30) ; 2 Co 8, 7.9. 13-15 ; Mc 5,21-43
En général, la première lecture est choisie en lien avec l’évangile. Et aujourd’hui on comprend aisément ce qui les rapproche puisque saint Marc nous rapporte la résurrection de la fille de Jaïre et que le livre de la Sagesse rappelle que « Dieu n’a pas fait la mort ». Ce qui est loin d’être évident ! Après tout, la seule chose à peu près certaine c’est que nous mourrons. Et ce n’est pas l’idée qui nous enthousiasme le plus ! Et c’est bien pour cela que le Sage affirme que nous sommes faits pour vivre : nous aspirons à l’éternité parce que c’est pour cela que Dieu nous a créé.
Pourquoi donc la mort est-elle entrée dans le monde ? « Par la jalousie du diable », répond la première lecture. Là-dessus, on ne peut pas faire grand-chose, en revanche le texte continue et parle de « ceux qui prennent parti pour lui ». Et on retrouve un thème très ancien dans la Bible : on peut choisir le parti de la vie ou choisir le parti de la mort. Chacun aura compris qu’il ne s’agit pas de partis politiques, et que ce choix ne se fait pas en mettant un bulletin dans une urne ! Regardons plutôt dans l’évangile ceux qui choisissent la vie et ceux qui choisissent la mort. Par deux fois en effet, Jésus et Jaïre vont rencontrer des gens qui prennent le parti de la mort. Et chaque fois le Seigneur les dépasse et invite Jaïre à prendre un autre parti. La première fois, c’est ceux qui viennent prévenir : « ta fille vient de mourir, à quoi bon déranger encore le maître ». La deuxième fois, c’est à la maison, quand ceux qui pleurent et crient, se moquent de Jésus.
La première manière de prendre le parti de la mort c’est de se résigner. Non pas le consentement de celui qui s’efforce d’accueillir la vie telle qu’elle est, mais le fatalisme de celui qui pense qu’il n’y a rien à faire et que Dieu est inutile. La foi est le contraire de cette résignation. Les premiers chrétiens disaient des défunts qu’ils étaient « endormis » en attendant la résurrection. Mais encore aujourd’hui, la foi ouvre à l’espérance et à la communion des saints. Ceux qui sont morts n’ont pas disparus : ils vivent dans le cœur de Dieu, ils vivent à la manière de Dieu. Et c’est pourquoi nous pouvons les retrouver à la mesure de notre union à Dieu, et de leur union à Dieu. Nous pouvons aussi nous aider mutuellement dans la prière. Faire dire une messe pour un défunt, ce n’est pas rajouter un bouquet à un monument, c’est se donner rendez-vous en Dieu et partager ensemble le repas du Seigneur. Mais il y a d’autres situations de notre vie où la foi invite à ne pas se résoudre à la mort. Soigner et visiter les malades, c’est refuser de se résigner à ce que la maladie et la souffrance diminuent la vie. Partager et s’engager auprès de ceux qui ont besoin d’aide, c’est refuser de se résigner à l’injustice et la misère qui sont du parti de la mort. Aimer gratuitement et pardonner, c’est choisir la vie pour ne pas laisser triompher des semences de mort que sont la maladresse ou la mesquinerie. Notre foi n’est pas un encouragement à la résignation mais à l’engagement parce qu’elle nous invite à prendre le parti de la vie.
La deuxième manière de prendre le parti de la mort, le deuxième obstacle sur le chemin de Jésus est illustré par ceux qui se moquent de lui dans la maison de Jaïre. Ceux-là pensent savoir mieux que Jésus. Au moment où Jésus refuse la mort, eux la défendent. Après la résignation, l’autre manière de prendre le parti de la mort, c’est l’orgueil. Il y a plusieurs visages à l’orgueil. Il y a l’orgueil un peu pathétique et facilement reconnaissable de celui qui se montre et veut qu’on l’admire, et puis il y a celui plus subtil de l’orgueil intérieur qui se drape dans sa souffrance pour refuser tout aide et toute ouverture. En fait, on ne peut pas prendre tout seul le parti de la vie, il faut le choisir avec Dieu : c’est lui qui nous montre comment le choisir. Et pour cela il faut accepter de l’écouter, même quand sa parole est déroutante, même quand elle contredit notre expérience ou notre sentiment. On choisit la vie en faisant confiance à son créateur, et l’on ne peut faire confiance que si l’on renonce à tout maîtriser et se débrouiller tout seul.
Et si nous refusons de prendre le parti de la mort. Si nous suivons Jésus jusqu’au bout du chemin, en dépassant l’obstacle de la résignation et l’obstacle de la suffisance ; alors comme Jaïre nous pourrons entrer dans la chambre et contempler le Christ maître de la vie. Il prend la jeune fille par la main, parce qu’il y a toujours quelque chose à faire et que Dieu ne baisse jamais les bras ; il ordonne à l’enfant de se lever, car la vie est un appel de Dieu … et surtout, il demande à Jaïre et à sa femme de faire manger leur fille … parce que, si la vie vient de Dieu, si la vie est en Dieu, elle nous est confiée et c’est à nous de l’entretenir, de la soutenir, de la nourrir. Choisir le parti de la vie, ce n’est pas simplement éviter les obstacles qui éloignent du don de Dieu, c’est surtout accueillir ce qui nous est confié. Si c’est Dieu qui relève, c’est à nous de nourrir.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Elle qui est la Consolatrice de ceux qui souffrent, qu’elle nous apprenne à choisir la vie en refusant toute résignation et toute suffisance. Elle qui est le Refuge des pécheurs qu’elle nous guide pour accueillir le don de Dieu dans l’écoute et l’humilité. Elle qui est le Secours des Chrétiens, qu’elle nous montre comment prendre soin de la vie dans l’engagement et la bienveillance. Ainsi nous pourrons être ce pour quoi nous sommes faits, et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.