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Père Charles Mallard-Débusquer les ambiguïtés du choix

25 août 2024

Débusquer les ambiguïtés du choix

21° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Jos 24,1-2.15-17.18 ; Ps ; Ep 5, 21-32 ; Jn 6,60-69

A Sichem au temps de Josué, comme à Capharnaüm à la fin du discours du Pain de Vie, la même question résonne : « choisissez qui vous voulez servir ? » ou formulée autrement : « voulez-vous partir, vous aussi ? ». Cela pourrait paraître étonnant : le peuple cheminait depuis près de 70 ans sous la conduite de Dieu, d’abord avec Moïse puis avec Josué. Les disciples suivaient Jésus depuis au moins deux ans, et avaient tout quitté pour lui. Pourquoi donc faut-il choisir à nouveau ce qu’ils avaient déjà choisi ? En fait, ils sont assez rares dans la vie les choix définitifs qu’il ne faut pas renouveler régulièrement ! Nous sommes faits ainsi que la fidélité à un choix initial n’est pas mécanique, mais qu’elle sollicite notre liberté pour choisir à nouveau ce que nous avons choisi. C’est aussi une manière de clarifier, ou de purifier notre choix. De vérifier que nous avons bien choisi ce que nous prétendons et non pas autre chose qui lui ressemble.

Voyons, à partir des textes que nous venons d’entendre, ce qu’il pourrait y avoir d’ambigu dans le choix de suivre le Seigneur. Pour cela examinons les situations alternatives : celles que propose Josué à Sichem et celle que l’évangile nous rapporte.

Première alternative : « les dieux que vos pères servaient au-delà de l’Euphrate », c’est-à-dire avant qu’Abraham ne quitte son pays. C’est le choix de la tradition familiale, de l’habitude. On fait ce qui a toujours été fait. En soi, ce n’est pas mauvais : nombreux sont ceux qui sont chrétiens parce que leurs parents l’étaient. Mais c’est une situation, pas une raison. Il y a toujours un moment où l’on doit choisir ce qu’on nous a proposé. L’habitude est la première ambiguïté du choix. Elle est bonne quand elle facilite, elle est mauvaise quand elle détermine. En posant aux Douze la question « voulez-vous partir ? », Jésus les libère de l’habitude : faites selon votre cœur et non pas selon la routine. Voilà pourquoi il faut renouveler son choix, pour qu’il reste un choix et non pas une habitude.

Deuxième alternative : « les dieux des Amorites dont vous habitez le pays ». C’est-à-dire faire comme tout le monde. C’est le choix du conformisme. Et c’est vrai que c’est plus facile de ne pas être le seul. Quand on est plusieurs, quand nos amis ou nos parents partagent les mêmes valeurs, les mêmes opinions, la vie est quand même plus simple. Mais c’est une aide, pas une raison. Le conformisme est la deuxième ambiguïté du choix parce qu’on choisit la foule et non pas le Seigneur. L’un des trésors de la Révélation, c’est de nous faire découvrir que nous sommes uniques aux yeux de Dieu. Qu’il nous aime personnellement. L’entrée dans le Royaume des Cieux n’est pas un mouvement de foule : à la porte étroite on ne passe qu’un par un. Renouveler son choix, c’est aussi une manière d’affirmer que c’est bien nous qui avons choisi.

Enfin, il y a la situation que rappelait l’évangile. Que disent ceux qui partent ? « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ». On est ici face au défi de la confiance. Trop souvent on croit ce qui nous plait. Heureusement que l’on trouve des satisfactions dans la Parole de Dieu ! Heureusement que certaines choses nous paraissent évidentes ou éclairantes. Mais dans la foi, on sait parce que l’on croit. L’ambiguïté survient quand on ne croit que ce que l’on sait. Ce n’est pas quand ça nous plait que l’on fait l’expérience de la confiance, c’est quand ça nous surprend, quand ça nous paraît exigeant, mais qu’on l’accueille parce que c’est la Parole de Dieu. Nous n’avons pas à mesurer la Parole, mais à la recevoir. En invitant les Douze à le choisir à nouveau, Jésus permet cette belle proclamation de foi de Pierre : « à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».

Alors d’une certaine manière les textes que nous venons d’entendre nous provoquent nous aussi à choisir à nouveau le Seigneur : avons-nous choisi de faire ce qui s’est toujours fait ? avons-nous choisi de faire comme tout le monde ? avons-nous choisi de faire ce qui nous plait, ou bien avons-nous choisi le Saint de Dieu, celui qui a les paroles de la vie éternelle ?

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Fille de Sion qu’elle nous rappelle l’action de Dieu dans nos vies pour que notre fidélité ne soit pas une habitude. Mère de l’Église qu’elle nous permette de reconnaître la présence du Seigneur pour que notre communion ne soit pas conformisme. Trône de la Sagesse qu’elle nous apprenne à accueillir la Parole même quand elle nous dérange pour que nous puissions choisir à nouveau celui que nous avons choisi et demeurer en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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