Père Charles Mallard-Nous ne sommes pas des jus de fruits
Nous ne sommes pas des jus de fruits
22° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Dt 4,1-2.6-8 ; Ps 14 ; Jc 1,17-18.21-22 ; Mc 7,1-23
Certains parents auront peut-être été contrariés à l’écoute de l’évangile. Jésus viendrait-il saboter l’éducation laborieuse pour que les enfants apprennent à se laver les mains avant de passer à table ? Là, c’est l’Esprit Saint qui sera contrarié, car la suite du texte montre bien que le sujet n’est pas l’hygiène mais la pureté. Malheureusement, voilà qui ne nous rend pas beaucoup plus facile la compréhension du texte ! La notion de pureté, surtout en matière religieuse, ne nous est plus tellement familière. Certains la considèreront avec un certain cynisme comme désuète, d’autres, mieux instruits du catéchisme, y verront un euphémisme commode pour parler des sujets de morale sexuelle. Pourtant, il n’y a qu’à regarder la litanie des turpitudes qui conclue l’évangile, pour se persuader que l’enjeu est plus large, et qu’il est loin d’être négligeable.
En fait la pureté, c’est en quelque sorte l’état de nature et d’authenticité. On l’utilise encore pour les jus de fruits ou pour les vêtements, pour indiquer que l’on n’a pas mélangé les substances et qu’il n’y a dans ce qu’on achète que ce qui est affiché. Ainsi, en ce qui nous concerne, celui qui est pur, c’est celui qui n’est pas mélangé, celui qui est comme il doit être, c’est-à-dire compatible avec Dieu. Dans les Béatitudes, Jésus n’a-t-il pas dit « heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » ? Voilà pourquoi la notion est importante dans la vie spirituelle : parce que la pureté est ce qui nous rend capable de nous tenir devant le Seigneur.
Mais, comme nous ne sommes pas des jus de fruits, notre pureté obéit à quelques lois bien particulières, et c’est cela que Jésus explique à la foule et aux disciples. D’abord, c’est une notion dynamique et non pas statique : cela veut dire qu’il ne s’agit pas tant de garder un état que de le retrouver ou de le rechercher. C’est toute la question de la purification, dont on comprend alors combien elle est importante. Mais Jésus remet en cause les moyens de purification auxquels sont attachés les scribes et les pharisiens, parce qu’il y a une caractéristique de la pureté qu’ils négligent : notre pureté ne dépend pas des autres mais de nous ! Si nous sommes envieux, le problème n’est pas ceux qui possèdent ce que nous n’avons pas, mais le regard que nous portons sur eux ! Si nous sommes orgueilleux ce n’est pas à cause des compliments que nous recevons mais de notre cœur qui ne sait pas aimer. Bien sûr, il vaut mieux éviter les mauvaises images si nous voulons éviter les mauvaises pensées ; bien sûr, il est plus facile d’être honnête si notre entourage l’est aussi ; mais ce n’est pas déterminant. On n’est jamais obligé de pécher, on n’est jamais obligé de se laisser entrainer.
Le résultat de ce que dit Jésus, c’est que la purification ne se fait pas en se préservant des autres, mais en se convertissant, en changeant notre cœur, pour qu’il soit un cœur de chair et non pas un cœur de pierre, comme dit le prophète Ézéchiel. Alors comment faire ? En s’attachant aux commandements de Dieu plutôt qu’aux traditions des hommes, disait Jésus. C’est aussi ce que rappelait le Deutéronome, dans la première lecture : la parole de Dieu sera notre sagesse et notre intelligence. Si elle fait l’admiration des nations c’est parce qu’elle révèle comment déployer la pureté de notre humanité, comment être ce pour quoi nous sommes faits. C’est la Parole semée en nous qui peut sauver nos âmes, disait saint Jacques dans la deuxième lecture. A condition bien sûr de la mettre en pratique. Elle n’est pas une formule magique qui nous transformerait malgré nous. Se contenter de l’écouter, ce serait se faire illusion, justement parce que ça serait oublier que la pureté de notre cœur dépend de nous et non pas des autres !
Bien plus que des considérations d’hygiène, bien plus que des discussions rituelles, l’évangile nous invite à rechercher la pureté en écoutant la Parole de Dieu, en la reconnaissant comme notre sagesse et notre intelligence, en l’accueillant au plus profond de nous pour conformer notre vie à ce que nous avons entendu.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous montre comment être disponibles à la présence du Seigneur. Miroir de la Sainteté de Dieu, qu’elle nous encourage à purifier notre cœur. Trône de la Sagesse, qu’elle nous apprenne à vivre selon le cœur de Dieu pour que nous puissions demeurer en lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.