Père Charles Mallard-De l’opinion à la foi
De l’opinion à la foi
25° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Is 50,5-9a ; Ps 114(115) ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35
Quel contraste entre le début et la fin de l’évangile. Cela commence sereinement comme une conversation entre amis : « qu’est-ce que les gens disent de moi ? » demande Jésus, et lorsqu’il interpelle un peu plus personnellement les disciples, Pierre donne la réponse admirable qui concentre la foi chrétienne : « tu es le Christ ». Dans la version que rapporte saint Matthieu, Jésus lui fait même des compliments « heureux es-tu ». Mais ensuite les choses se gâtent. Jésus annonce le mystère de Pâques, et la relation avec Pierre se tend. L’un fait des reproches, l’autre le traite de Satan ! Quand on regarde les mouvements, Pierre prend Jésus à part, mais Jésus refuse cet aparté et retourne vers la foule, comme s’il refusait de se laisser confisquer. Qu’est-ce qui a provoqué ce changement ? Jésus a enseigné ! D’une certaine manière, c’est la parole du Seigneur qui est le pivot dramatique de cette histoire.
C’est qu’il faut passer de l’opinion à la foi. L’opinion dépend de nous, la foi dépend de Dieu. On peut facilement imaginer les reproches que Pierre fait à Jésus, soit qu’il lui dise qu’il se trompe, soit qu’il lui dise qu’il ne faut pas dire ça, il prétend commander au Seigneur. C’est lui qui a la main. On est dans un conflit d’opinions. Comme si l’un avait raison et l’autre tort. Mais dans la foi il n’est pas question d’avoir raison ou d’avoir tort, il s’agit d’accueillir ce que Dieu dit et d’y consentir. L’origine d’une opinion c’est notre réflexion, notre expérience ou notre sentiment ; l’origine de la foi, c’est la Parole de Dieu. Bien sûr au début du récit, Jésus demande une opinion, mais ensuite, à partir du moment où il enseigne, il invite à la foi, à adopter la pensée de Dieu et non pas la pensée des hommes – fut-ce notre propre pensée.
Ainsi la foi est de l’ordre de la confiance alors que l’opinion est de l’ordre de l’idée. Et c’est un bel exemple de foi que l’on retrouve dans le témoignage du Serviteur souffrant chez Isaïe. « Le Seigneur m’a ouvert l’oreille et je ne me suis pas dérobé ». Celui qui écoute la Parole ne se laisse pas déstabiliser par les difficultés et les persécutions, car dans la Parole il trouve l’assurance de la présence et de la justice du Seigneur. Ce n’est pas notre confort qui est le signe de l’amour de Dieu pour nous, c’est sa parole. Admirable confiance qui se manifeste dans la conclusion de la première lecture : « Le Seigneur mon Dieu prend ma défense, qui me condamnera ? ». Si c’était une opinion, si c’était lui qui avait décidé que Dieu le défendait, ce serait d’une arrogance folle, mais on comprend facilement que le prophète n’affirme cela que parce qu’il l’a entendu du Seigneur lui-même, qu’il ne s’agit pas d’une revendication mais d’une confiance.
Et la réflexion de saint Jacques, dans la deuxième lecture nous montre encore la distance qu’il y a entre une opinion et la foi. La foi qui n’agit pas n’est qu’une opinion … qui facilement pourrait devenir ridicule voire odieuse. A quoi cela sert-il de proposer de rester au chaud à celui qui n’a pas de quoi s’habiller, d’inviter à se rassasier celui qui n’a pas de quoi manger ? La foi nous engage et nous met en marche. C’est bien ce dont témoignent les paroles de Jésus à la fin de l’évangile : « celui qui veut marcher à ma suite, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Il ne s’agit pas seulement d’accepter le mystère de Pâques, mais de s’y engager. Il ne suffit pas de croire que le Fils de l’homme est ressuscité après avoir été tué, mais de perdre sa vie pour la sauver. Non pas comme une logique de calcul subtil, mais dans une dynamique d’amour que nous révèle la Parole de Dieu. La foi ne peut pas rester dans la tête, elle doit aller jusqu’au cœur pour ouvrir les mains.
A Césarée-de-Philippe, Jésus nous invite à passer de l’opinion à la foi. Il nous propose d’accueillir la parole non pas pour l’approuver mais pour y consentir. Il nous appelle à la confiance qui s’appuie sur les promesses et non pas sur le confort. Il nous entraîne dans l’aventure du mystère d’une foi qui nous met en marche et nous engage.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle ouvre nos oreilles et nos cœurs à la Parole de Dieu. Mère du Bon conseil, qu’elle fortifie notre confiance dans la présence du Seigneur. Consolatrice des affligés, qu’elle nous encourage à vivre ce que nous croyons, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.