Père Charles Mallard-Sous le regard du Seigneur
Sous le regard du Seigneur
32° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
1 R 17,10-16 ; Ps 145 (146) ; He 9,24-28 ; Mc 12,38-44
L’évangile que nous venons d’entendre fait partie des textes qui permettent de bien saisir quel genre de personne était Jésus. On imagine bien qu’il ne s’agit pas d’encourager à s’habiller de manière négligée, à déserter les premiers bancs de l’église ou à ne donner que quelques centimes à la quête ! Son enseignement est d’un autre ordre : il s’agit d’apprendre à connaître et reconnaître le regard de Dieu. Un regard qui ne s’intéresse pas aux apparences mais qui discerne le fond des cœurs. Pour découvrir ce regard, entrons dans la scène évangélique, en nous mettant à la place de la veuve.
Elle arrive devant le tronc pour contribuer à l’entretien du Temple. Et voilà, qu’il y a Jésus qui regarde la foule déposer son obole. Ce n’est pas très confortable d’être dévisagé au moment d’un don ! D’autant que – ni le chèque ni les billets n’ayant cours à l’époque – les dons se font avec des pièces ce qui est moins discret ! Comme beaucoup de ceux qui étaient là, elle aurait sans doute préféré l’anonymat, que personne ne voie ce qu’elle fait. Jésus a enseigné que la main gauche devait ignorer ce que donne la main droite, mais il a dit aussi que le Père voyait ce que nous faisons dans le secret. Le regard de Jésus n’est donc pas le regard curieux de la main gauche observant la main droite, il n’est pas le regard des hommes mais le regard du Père qui voit ce que nous faisons dans le secret.
La veuve dépose son offrande dans le tronc – deux piécettes – un don insignifiant aux yeux des hommes et dans les chiffres du trésorier. A côté des riches qui déposaient des fortunes, son geste pourrait paraître négligeable. Aux yeux des hommes peut-être, mais pas aux yeux de Dieu. Personne n’est négligeable aux yeux de Dieu. Le regard de Dieu s’attache à chacun de nous. Impossible de passer devant lui, noyé dans la foule, masqué par le nombre. La relation avec le Seigneur n’est pas une relation de masse mais une relation personnelle, unique.
Vu sa pauvreté, son indigence même, elle aurait pu estimer qu’elle était exemptée de verser sa participation au Temple, d’autant qu’il s’agissait d’une offrande libre, à laquelle on n’était pas obligé. Même, c’est elle qui aurait dû être aidée et recevoir de l’argent. Mais la relation avec Dieu n’est jamais à sens unique. Dieu donne, mais à la mesure de ce que nous donnons nous-mêmes. L’histoire de la veuve de Sarepta est une bonne illustration de cette dynamique. Parce qu’elle nourrit le prophète Elie, elle est nourrie par le Seigneur. Si elle avait refusé cette dernière poignée de farine et le peu d’huile qui lui restait, sa jarre se serait épuisée. En gardant elle serait morte, en donnant elle a vécu. Devant le Seigneur, il ne peut pas y avoir de profiteurs : personne ne peut croire qu’il n’a rien à donner, personne ne peut penser qu’il ne doit rien à Dieu.
Mais ce que regarde Jésus, ce n’est pas ce qui est donné, c’est celui qui donne. Et il explique aux disciples la véritable nature du don de la veuve du Temple. Elle n’a pas donné du superflu mais du nécessaire. Elle n’a pas donné ce qui ne lui servait pas, mais ce dont elle avait besoin. Cela ne veut pas dire que le don des autres était sans valeur, mais il n’est pas de la même nature. Donner du superflu, donner ce qu’on n’utilise pas, ce dont on n’a pas besoin, c’est de la justice et c’est bien. Mais cette femme est au-delà de la justice : elle est dans l’amour. Elle donne tout ce qu’elle a, elle donne sa vie. Voilà ce que Dieu nous propose. Car c’est lui le premier qui nous a tout donné. Le Christ n’a pas gardé jalousement ses richesses divines mais il s’est fait pauvre pour que par sa pauvreté nous devenions riches. C’est la logique de Dieu. Non pas simplement la justice, mais la générosité qui va au-delà de la justice et qui est la porte d’entrée de l’amour.
Alors nous, que présentons-nous au regard de Dieu ? Est-ce que nous essayons de l’impressionner par l’étalage de nos mérites ou bien est-ce que nous acceptons de nous présenter devant lui dans l’indigence de notre pauvreté ? Est-ce que nous allons vers lui pour l’appeler ou pour répondre à son appel ? Est-ce que nous nous contentons d’être justes, ou bien est-ce que nous cherchons à l’aimer plus en donnant toujours plus ?
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Humble servante du Seigneur, Demeure précieuse et Mère du bel amour, qu’elle nous montre comment ouvrir nos cœurs aux dimensions du cœur de Dieu, qu’elle nous accompagne sur le chemin d’une générosité sans limite, qu’elle nous apprenne à aimer toujours plus et toujours mieux, dès maintenant et pour les siècles des siècles.