Père Charles Mallard-Les deux repas
Les deux repas
2° dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Is 62,1-5 ; Ps 95 (96) ; 1 Co 12,4-11 ; Jn 2 ; 1-11
Si l’on en croit saint Jean – et il n’y a aucune raison de ne pas le croire – les noces de Cana sont « le commencement des signes que Jésus accomplit ». Ainsi le ministère de Jésus commence et finit par un repas. Il commence par le repas de Cana en Galilée ; il finit par celui de la nuit du jeudi saint, au Cénacle, à Jérusalem.
C’est une chose remarquable que Dieu nous rejoigne et agisse au cœur d’un repas. A bien des égards, le repas est typique de l’homme. Bien sûr tous les êtres vivants se nourrissent, mais un repas c’est quelque chose de plus : c’est un moment qu’on prépare, c’est un moment qu’on partage. La nourriture fait partie de nos besoins essentiels, mais le repas lui donne une qualité, un caractère proprement humain. Ainsi le Christ se manifeste dans ce qui est à la fois le plus ordinaire et le plus particulier de notre existence.
Mais les noces de Cana et la Cène du Seigneur ont aussi en commun d’être un moment où quelque chose se transforme : l’eau devient du vin, le vin devient le sang du Christ, c’est-à-dire sa vie selon la symbolique biblique. Dieu n’est pas là comme un spectateur, ni même comme un simple convive : il vient transformer, il vient élever. Le maitre du repas, à Cana, remarque que d’habitude on sert le bon et ensuite le moins bon. En vérité c’est la dynamique fondamentale de la matière : avec le temps les choses s’usent et s’épuisent. Mais la dynamique divine est inverse : la boisson ne s’épuise pas, le bon conduit au meilleur. Avec Dieu on ne va pas vers le moins mais vers le plus. C’est la logique des prophètes, comme nous le rappelait la lecture d’Isaïe, c’est aussi la logique de l’espérance, qui est le thème de cette année jubilaire.
Enfin, parmi les choses que l’on retrouve à Cana comme au Cénacle, il y a la même demande : « Faites ». A Cana, c’est Marie qui recommande aux serviteurs « faites tout ce qu’il vous dira » ; au Cénacle, c’est Jésus qui demande aux disciples « faites ceci en mémoire de moi ». Ainsi la parole de Dieu n’est pas abstraite, elle s’incarne dans ce que nous faisons. Devant Dieu, il ne suffit pas de dire ou d’écouter, il faut aussi faire et agir. C’est ce que soulignait saint Paul dans la lettre aux Corinthiens : Dieu agit à travers nous, « à chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien ». Le Seigneur compte sur nous, il nous demande de nous impliquer, de nous engager. Si Dieu peut tout faire, mais il ne veut rien faire sans nous.
Au début de ce temps ordinaire, l’évangile nous invite à contempler les noces de Cana pour nous préparer au Repas du Seigneur. Dieu se fait proche de nous, il partage ce que nous sommes. Il ne faut pas le chercher dans l’extraordinaire ou l’inaccessible, mais dans l’ordinaire et le quotidien. Le Christ n’est pas un mirage qui fait rêver, mais un compagnon qui nous accompagne. Et il nous accompagne pour nous entraîner. En lui, ce que nous sommes et ce que nous vivons est appelé à grandir et à s’élever. Nos relations, nos activités, nos plaisirs et nos joies, tout ce qui donne du sens à notre vie, tout ce qui donne du goût à l’existence, n’est pas voué à s’user ou à s’épuiser, mais à se transformer et à s’améliorer. Et cette action du Seigneur ne se fait pas sans nous. Pour suivre le Christ, il faut l’écouter et faire ce qu’il nous demande. Il agit à la mesure de l’engagement qui naîtra d’une parole entendue et mise en pratique.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais nous aide tout au long de cette année, à répondre à l’invitation qui nous est faite. Porte du Ciel, qu’elle ouvre nos cœurs à la Parole du Christ. Etoile du Matin qu’elle nous montre comment faire tout ce qu’il nous dira pour que l’eau de nos vies devienne le vin du Royaume éternel. Mère du Bel Amour qu’elle nous encourage à saisir toutes les occasions pour vivre en présence de celui qui a voulu partager notre existence pour que nous puissions partager sa gloire et vivre avec lui, dès maintenant et pour les siècles des siècles.