Père Charles Mallard-Ce qui rend triste le Seigneur
Ce qui rend triste le Seigneur
14° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Ez 2,2-5 ; Ps 122 ; 2 Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6
Les hasards de la lecture suivie de l’évangile de Marc nous proposent aujourd’hui un texte particulièrement contrariant. Si nous voulions commencer la période estivale dans la douce torpeur de l’insouciance, nous ne sommes pas particulièrement encouragés par la Parole de Dieu ! Il est vrai que l’actualité politique ne nous y aide pas non plus ! Mais, faisons contre mauvaise fortune bon cœur, et affrontons avec courage ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui.
Il s’agissait du passage de Jésus dans son lieu d’origine, donc à Nazareth. Là, malgré l’étonnement qu’il suscite, il se retrouve face à l’hostilité de ceux qui pensent le connaître. Et – dit l’évangéliste – il ne pouvait accomplir aucun miracle, à peine la guérison de quelques malades. Et il s’étonna de leur manque de foi. Cette remarque est bouleversante. Le Seigneur a beau connaître les pensées des hommes, il est étonné par le manque de foi. On pressent facilement que cet étonnement est rempli de tristesse : Dieu ne peut pas agir à la mesure de son cœur. Il ne peut pas faire le bien qu’il voudrait, parce que les hommes le refusent.
C’est donc d’abord le manque de foi qui rend triste le Seigneur. Dieu ne veut pas faire notre bonheur sans nous. Pour qu’il puisse agir dans nos vies, il faut lui faire confiance. En général, c’est la connaissance qui permet la confiance. Si je sais que quelqu’un est capable d’une chose, je peux la lui demander. Parfois il y a une part de risque : je n’en suis pas sûr, mais je pense que la personne en est capable, alors j’en fais le pari. En vérité, la confiance se joue, précisément sur cette part de risque. Voilà pourquoi il faut distinguer la connaissance qui enferme et la connaissance qui ouvre de nouvelles possibilités. A Nazareth, les auditeurs de Jésus ont des préjugés : n’est-il pas le charpentier ? Sa famille n’est-elle pas des nôtres ? Ils pensent que Dieu ne peut pas être de chez eux ! Alors voilà la question qui nous est posée : faisons-nous confiance à Dieu ? Est-ce que nous ne l’enfermons pas dans nos idées, décidant nous-mêmes ce qu’il peut faire, voire ce qu’il doit faire. La foi est l’aventure d’une confiance, elle est une manière de se rendre disponible à être étonné par le Seigneur. L’écoute de la parole de Dieu doit nous faire grandir dans une connaissance qui permet la confiance.
Dans la première lecture, Ézéchiel, illustrait une autre chose qui rend triste le Seigneur. « Ils ont le visage dur et le cœur obstiné ». Il ne s’agit plus simplement d’un manque de foi, mais d’un refus. « Une nation de rebelles qui s’est révoltée ». Le peuple n’a pas simplement cru que Dieu ne pouvait pas les aider, il a refusé qu’il les aide. Les signes de ce refus sont la dureté et l’obstination. Il faut se méfier de la dureté et de l’obstination. « Heureux les doux » dit Jésus dans les béatitudes. Je sais bien que dans les difficultés, se durcir ou s’obstiner sont des moyens de se protéger, mais on ne se protège pas de Dieu ! Alors que va faire le Seigneur face aux visages durs et aux cœurs obstinés ? Il parle quand même : « qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas ». Ce n’est pas la conduite des hommes qui guide celle de Dieu. Il ne cherche pas à séduire ou à plaire, il ne cherche pas à manipuler mais il s’affirme, en nous laissant toujours une chance de l’écouter. Sa parole ne se tait pas sous prétexte qu’on ne l’écoute pas. Dieu s’obstine lui aussi, direz-vous. Si vous voulez. Mais alors, entre l’obstination de Dieu et notre obstination laquelle triomphera à votre avis ?
Voilà pourquoi le témoignage de saint Paul, dans la deuxième lecture, est éclairant. Il a fait l’expérience de la confiance en Dieu. « Un envoyé de Satan est là pour me gifler » dit-il, on ne sait pas très bien ce qu’est cette écharde dans la chair. Beaucoup, au long des siècles, ont essayé de l’imaginer, mais en vérité, ça ne nous regarde pas ! Ce qui nous regarde c’est qu’il aurait bien voulu être épargné, il aurait bien voulu être parfait et sans reproche. Et qui d’entre-nous ne le voudrait pas ! Il a même demandé trois fois au Seigneur de le guérir de cette humiliation. Mais la parole lui indique : « ma grâce te suffit ». Alors il a accepté, il a fait confiance. Ce qui compte pour lui, c’est que la puissance du Christ puisse demeurer en lui, même au prix de la faiblesse. Il n’y a plus, ni dureté, ni obstination, mais seulement la confiance. « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ». Il y a quelque chose de très mystérieux dans cette affirmation, quelque chose qui nous désarçonne, mais qui est le secret de la foi et c’est sans doute la seule façon de laisser Dieu agir en nous, parce que nous savons bien alors que ce n’est pas nous qui agissons, mais le Seigneur.
Et nous ? A qui ressemblons-nous ? Aux habitants de Nazareth dont le manque de foi étonne le Seigneur ? Au peuple qui a le visage dur et le cœur obstiné vers qui Ézéchiel est envoyé ? Ou bien ressemblons-nous à saint Paul qui accepte de bon cœur pour le Christ, les faiblesses, les contraintes, les situations angoissantes pour que sa puissance demeure en lui ?
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous évite d’attrister le Seigneur. Secours des chrétiens qu’elle nous apprenne à faire confiance à Dieu. Trône de la sagesse qu’elle nous préserve de la dureté et de l’obstination. Consolatrice des affligés qu’elle nous rende disponibles à la puissance du Christ, pour que nous demeurions en Lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.