Père Charles Mallard-En sa personne il a tué la haine
En sa personne il a tué la haine
16° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Jr 23,1-6 ; Ps 22 ; Ep 2,13-18 ; Mc 6, 30-34
Quel contraste dans l’évangile entre le début et la fin du récit ! Au début, on est au milieu d’une foule agitée et tumultueuse : « ceux qui arrivaient et ceux qui partaient était nombreux et on n’avait même pas le temps de manger », alors Jésus propose de s’éloigner. Mais en arrivant de l’autre côté, il y a une grande foule et Jésus est saisi de compassion, il se met à les instruire longuement … donc on imagine bien qu’il règne un grand silence pour écouter le Seigneur.
Ainsi nous avons deux images de la foule : celle agitée, ou l’on va et l’on vient, et dont Jésus s’extrait ; et celle attentive, en recherche, à laquelle il enseigne longuement. Ainsi la Parole du Seigneur rassemble et unifie ce peuple qui était comme des brebis sans berger, un écho de la prophétie de Jérémie où Dieu promettait d’être celui qui rassemble les brebis dispersées par les mauvais pasteurs. C’est aussi l’idée de rassemblement qui résonne dans la lettre aux Éphésiens où l’apôtre souligne combien le Christ a réconcilié l’irréconciliable par sa croix. On aura compris que nous sommes invités aujourd’hui à méditer sur l’église comme rassemblement non seulement pour le Christ, mais par le Christ. Jésus n’est pas seulement le motif qui nous rassemble, mais l’acteur de notre unité. Et pour l’illustrer saint Paul a une expression qui mérite qu’on s’arrête un peu : « en sa personne, il a tué la haine ». Comment la croix du Christ a-t-elle tué la haine ?
Une première explication, c’est que Jésus est mort pour tous. Son sacrifice n’est pas au profit d’un petit groupe mais de l’humanité. C’est la générosité qui refuse les divisions et supprime la haine car ce n’est pas tant la haine qui crée la division que les divisions qui provoquent la haine. Si l’Église est catholique – c’est-à-dire universelle – c’est précisément parce que le salut est pour tous et qu’il n’y a pas de division qui tienne devant le don de Dieu. Quand le Christ est plus important que toutes nos différences, la haine n’a plus de raison d’être.
Mais on peut approfondir. Car la croix est aussi l’image de la condamnation de l’innocent. C’est la peine la plus dure infligée à celui qui la mérite le moins ! Il y a quelque chose de terrible dans la passion qui relève de l’injustice suprême. Il faut veiller à ne pas trop s’habituer à la croix sous cet aspect-là. Il n’y a rien de plus injuste que la mort du Christ en croix : rien ne peut la justifier. Rien ne peut même l’expliquer si ce n’est peut-être la haine de ceux qui l’ont condamné. Aussi la Croix est-elle le rappel de l’injustice et de la malice de la haine. La haine n’est pas le moteur de l’action ou de la justice, comme le prétendent certain : elle est le poison de la vie.
Enfin, nous savons que si la Croix nous réconcilie avec Dieu, c’est que le Christ s’est offert lui-même. Cet aspect d’offrande est évidemment essentiel dans la puissance réconciliatrice de la Croix, parce qu’il brise le cercle infernal de la réciprocité. Les divisions se perpétuent et se creusent à cause de la réciprocité : quand on considère qu’on doit infliger au moins autant de souffrance qu’on en a subi. Mais alors, il n’y a aucune raison que cela s’arrête, sauf si à un moment quelqu’un accepte de ne pas rendre le mal pour le mal. Et ce moment est arrivé par le Christ. Et c’est ce qui a tué la haine car quand on refuse la vengeance, on est bien obligé d’abandonner la haine.
Ainsi nous voilà rassemblés aujourd’hui pour écouter la parole de Dieu et recevoir le don de sa vie. Nous savons bien que c’est le Christ qui nous rassemble puisque nous sommes réunis en mémoire de lui. Mais nous sommes aussi rassemblés par le Christ, car il a fait de nous un seul corps en nous rendant capable de lui ressembler. Si nous reconnaissons qu’il est notre berger, nous devons nous-aussi tuer la haine dans nos cœurs puisqu’il l’a rendu vaine, qu’il en a montré l’injustice et l’inutilité.
Que la Vierge Marie nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère de l’Église qu’elle nous apprenne à aimer aux dimensions du cœur de Dieu. Consolatrice des affligés qu’elle nous soutienne dans la recherche de la vraie justice. Reine de la paix qu’elle nous encourage à suivre le Christ dans nos paroles comme dans nos actes pour que nous puissions demeurer en lui comme il demeure en nous dès maintenant et pour les siècles des siècles.