Père Charles Mallard-La résurrection vaut mieux que l’immortalité
La résurrection vaut mieux que l’immortalité
5° Dimanche de Carême – Année A
Ez 37,12-14 ; Ps 129 ; Ro 8,8-11 ; Jn 11,1-45
D’abord, il y a cette remarque de Marthe, dans l’évangile : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Un sentiment qui est repris par ceux qui assistent à la scène : « lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? ». Et il y a quelque chose d’intrigant dans le fait que Jésus attend deux jours avant de rejoindre Béthanie. Serait-ce qu’il ne voulait pas empêcher la mort ? Cependant, à bien y réfléchir, aurait-ce été très juste que Jésus empêche ses amis de mourir ? Je ne parle pas de la justice vis-à-vis de ceux qui vivent à une autre époque, je parle de la justice dans la relation et dans l’amitié. Ne serait-ce pas un peu égoïste de dire à ceux qu’on aime « vivez tant que je vis » ? Je comprends bien qu’il est plus confortable de mourir le premier … mais c’est un peu reporter toute la peine sur les autres ! Donc, on peut comprendre que Jésus n’ait pas voulu empêcher Lazare de mourir.
Mais il y a mieux : il ne pouvait pas ! Faites le calcul. Puisque Lazare est mort depuis quatre jours quand Jésus arrive, si le Seigneur était parti deux jours plus tôt … Lazare serait mort depuis deux jours seulement, mais mort quand même et donc c’était trop tard. En fait, cela nous fait comprendre que Jésus n’est pas venu pour nous apporter l’immortalité, mais la résurrection.
Bien sûr nous rêvons à l’immortalité, car il y a quelque chose de la mort qui nous fait peur … cela dit il nous faudrait aussi l’éternelle jeunesse, parce que si c’est pour vieillir indéfiniment, je ne suis pas sûr qu’on soit aussi enthousiaste ! Alors, à quel moment faudrait-il arrêter notre vie ? En fait, ce n’est jamais le bon moment ! Les bons moments c’est toujours autrefois ! Le bon vieux temps est toujours derrière nous. Mais Jésus ne veut pas pour nous d’un bonheur derrière nous ! Voilà pourquoi il vaut mieux espérer la résurrection que l’immortalité. Avec la résurrection, tout change. La mort n’est plus la fin … Par la résurrection, la mort devient un passage entre la vie que nous connaissons et la vie de Dieu. Un passage, en hébreu cela se dit “pâque”. On a plus à chercher le moment que nous voudrions éterniser : le bonheur n’est plus derrière nous, il est devant nous. Le bonheur est à venir : c’est la vie en Dieu.
Alors, bien sûr, il ne nous arrivera sans doute pas la même chose qu’à Lazare, mais à la réflexion, il n’y a pas trop à s’en plaindre : Lazare après l’épisode que nous venons d’entendre, a repris sa vie d’avant, avec d’autres joies et d’autres épreuves. La légende dit qu’il a été le premier évêque de Marseille. Quoiqu’il en soit, il est donc mort deux fois, ce qui n’est pas spécialement enviable ! Mais la résurrection de Lazare annonce la Résurrection de Jésus, elle permet de comprendre que Dieu n’a pas le pouvoir d’empêcher la mort, mais il a celui de ressusciter les morts ! Ce qui est mieux !
Voilà l’enseignement de ce jour : plutôt que de chercher à fuir la mort, plutôt que d’essayer d’empêcher la mort, Dieu nous propose de la transformer en une pâque, d’en faire le passage à une autre vie … Et si c’est vrai pour la mort biologique, c’est vrai aussi pour tout ce qui dans nos vies nous rapproche de la mort, comme la souffrance, ou le péché. La souffrance c’est déjà un avant-goût de la mort : quand on souffre, c’est qu’une partie de ce que nous sommes ne fonctionne plus ! Et le péché c’est aussi un germe de mort : un péché c’est ce qui nous conduit vers la mort, c’est la trace des forces de mort dans notre vie ! Mais le chrétien a les moyens de ne pas avoir peur de la mort, ou de la souffrance, ou du péché … ça ne veut pas dire qu’il ne meurt pas, qu’il souffre moins ou qu’il ne pèche plus ! Si le chrétien n’a pas peur de la mort, de la souffrance ou du péché, c’est parce qu’il sait, parce qu’il croit que ça n’est pas le dernier mot, qu’aucune situation n’est sans avenir … au contraire la résurrection, comme le pardon permet que les situations apparemment les plus désespérées, celles qui ont le moins de futur humain, soient les situations de pâque, celles qui portent un futur divin !
N’ayons pas peur de faire confiance en Jésus sur la Résurrection. Par le baptême nous avons accepté de refaire le chemin de Jésus à Pâques, c’est-à-dire que nous faisons confiance à l’Évangile et que nous croyons en la résurrection. C’est un mystère, c’est LE mystère chrétien. Et en acceptant ce mystère de Pâques nous acceptons cette formidable espérance, ce formidable échange : personne, quoiqu’il arrive n’est à jamais irrémédiablement condamné. Il y a toujours un futur possible : et celui que Dieu nous propose.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du matin, refuge des pécheurs et consolatrice des affligés, qu’elle nous apprenne à garder nos cœurs fixés sur la résurrection, pour que nous puissions grandir dans l’espérance par la conversion, et progresser dans la charité par la miséricorde. Ainsi nous pourrons déjà goûter les prémices de ce que le Seigneur nous promet, et demeurer en Lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.