Père Charles Mallard-Le Cantique de Marie
Le Cantique de Marie
Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie
Ap 11,19. 12, 1-6. 10 ; Ps 44 ; 1 Co 15,20-27a ; Lc 1, 39-56
Au cœur de l’été résonne la parole du Magnificat : « toutes les générations me diront bienheureuse ». Ainsi nous voilà réunis pour fêter l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, c’est-à-dire la fin de sa vie terrestre et le début de sa vie céleste. Les textes que nous venons d’entendre nous conduisent progressivement au sens de cette célébration. Il est assez intéressant de noter qu’ils nous invitent, en quelque sorte, à remonter le cours du temps, en commençant par l’Apocalypse qui termine le Nouveau Testament, pour terminer par le début de l’évangile qui le commence !
Naturellement, l’entrée de Marie dans la gloire céleste, évoque le signe grandiose apparu dans le Ciel, la femme couronnée d’étoiles et revêtue de soleil. Mais la lecture de saint Paul nous indique le sens et le fondement de l’événement à savoir la Résurrection du Christ. Si Marie entre dans la gloire avec son corps, c’est parce que le Christ est ressuscité. Marie suit le chemin que le Christ a ouvert, en étant déjà ce que nous serons. Il ne s’agit donc pas d’être des observateurs admiratifs d’un spectacle qui nous dépasse, mais de se sentir encouragés à poursuivre notre chemin, dans la direction indiquée à notre baptême, précédés par Marie. Et voilà que l’évangile nous invite à imiter Elisabeth en nous émerveillant : « d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » pour nous laisser conduire par le Cantique de Marie.
« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ». Tout commence par l’entrée dans cette plénitude de la joie. Tout en Marie rend gloire à Dieu. Nous ne pouvons pas comprendre l’Assomption si nous pensons que la vie en Dieu ne concerne qu’une partie de ce que nous sommes. L’homme n’est pas fait pour être divisé. Il n’y a pas d’un côté la vie spirituelle et de l’autre côté la vie matérielle, affective au sociale. Par la prière nous sommes invités à vivre déjà, dans le Seigneur, cette harmonie du corps et du cœur. Ce n’est pas un hasard si le sommet de notre relation à Dieu se vit dans l’eucharistie, une nourriture corporelle qui est nourriture spirituelle. L’Assomption nous invite à l’unité profonde de tout ce que nous sommes, à laisser la joie de la présence divine irriguer la plénitude de notre être.
« Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse ». Il y a dans cette affirmation quelque chose de lumineux qui efface toute tension entre l’humanité et la divinité. Trop souvent on pense glorifier Dieu en méprisant l’homme, ou bien en réaction, on pense honorer l’homme en l’éloignant de Dieu. Alors on a des gens qui se croient très pieux parce qu’ils se méprisent, d’autres qui se croient très grands à cause de leur orgueil. Marie témoigne du contraire. Ce n’est pas Dieu ou nous, c’est toujours Dieu et nous. La gloire de Dieu c’est l’amour et l’on n’aime pas ce que l’on méprise ! L’Assomption nous invite à contempler la grandeur de ce que nous sommes à la lumière de Celui qui nous aime.
« Déployant la force de son bras, il disperse les superbes ; il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles ». Ces affirmations, que certains ont qualifié de venin révolutionnaire, contrastent avec le ton plutôt serein qui précédait. C’est que le combat spirituel, parfois douloureux, fait partie du chemin. On oublie trop souvent que face à la femme ayant le manteau pour soleil se trouve un autre signe, effrayant, le grand dragon, rouge feu. La gloire de Dieu n’est pas un long fleuve tranquille, c’est une victoire sur le péché. Parfois c’est le péché des autres qu’il faut affronter, mais rien ne peut se faire si l’on ne combat pas d’abord notre propre péché. L’Assomption est aussi une invitation à renverser ce qui s’oppose à Dieu, à disperser l’orgueil et les tentations de puissance.
« Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères ». Le Magnificat se termine par une évocation de la fidélité de Dieu. Cette fidélité qui est le déploiement de l’éternité dans le temps. C’est la raison pour laquelle la mémoire est essentielle à la vie spirituelle. C’est elle qui permet de reconnaître ce qui demeure, c’est elle qui permet de mesurer les progrès. La fidélité du Seigneur appelle notre fidélité en réponse, sans nostalgie enfermée dans le passé, sans inconstance soumise aux caprices de l’instant, sans insouciance s’abusant des illusions du futur. L’Assomption nous inscrit dans l’histoire du salut en nous rappelant ce que nous serons.
Ainsi contemplant le grand signe apparut dans le ciel, nous avançons à la suite du Christ Ressuscité, conduit par le Cantique de Marie, pour que la joie du Seigneur nous unifie, pour que la présence de Dieu nous illumine, pour que fortifiés dans le combat spirituel nous puissions goûter la gloire de l’éternité.
Que la Bienheureuse Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accompagne et nous guide en ce jour où nous fêtons son Assomption. Humble Servante du Seigneur qu’elle nous apprenne à nous laisser aimer ; Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle ouvre nos vies à la présence de Dieu. Reine du Ciel qu’elle fortifie notre fidélité pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.