Père Charles Mallard-Le Seigneur dans la tempête
Le Seigneur dans la tempête
12° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Job 38,1.8-11 ; Ps 106 ; 2 Co 5,14-17 ; Mc 4,35-41
Il y a des textes de la Parole de Dieu qui me laissent perplexe. Apparemment très simples, il est difficile de comprendre ce qui est en jeu. Par exemple, l’épisode de la tempête apaisée. Jésus et ses disciples sont dans une barque, et Jésus dort. Mais la tempête arrive, elle met leur vie en danger, alors ils réveillent Jésus qui calme les flots, mais reproche ensuite qu’on l’ait dérangé pour rien. Apparemment, pas de problème.
En fait, si ! Il y a bien un problème : je ne comprends pas le reproche de Jésus. Ils étaient vraiment en danger, l’eau commençait à envahir la barque, alors ils ont bien fait de lui demander de l’aide. Je n’accepte pas que ce texte dise « n’aie pas peur dans les difficultés, Dieu dort, fais comme lui ! » Si la morale de l’histoire c’est que les disciples auraient dû faire comme Jésus et dormir comme si de rien n’était, je ne comprends pas ! Dans les tempêtes de la vie, ce n’est pas possible de dormir, ça n’est pas possible de ne rien faire !
Comme ce texte est Parole de Dieu, et que l’enseignement de Jésus est digne de confiance, il faut admettre que j’ai peut-être mal compris le texte. Avant de le rejeter il faut prendre le temps de mieux le comprendre, et pour cela de le lire plus lentement, plus en détail.
Il n’y a pas de doute que Jésus reproche aux apôtres d’avoir peur. Mais à quel moment le texte dit-il qu’ils ont peur ? Ce n’est pas au moment où ils réveillent Jésus, c’est après. C’est devant ce que Jésus a fait, qu’ils sont « saisis d’une grande crainte ». Littéralement « effrayés d’un grand effroi ». Cela veut dire qu’ils ont plus peur après la tempête que pendant !
On peut alors comprendre que les disciples n’ont pas réveillé Jésus pour lui dire « sauve-nous », mais pour l’avertir du danger. On pourrait traduire leur intention à ce moment-là : « fais tes prières, toi aussi, parce que nous allons mourir ». Leur intervention auprès de Jésus n’est pas une prière : ils ne savaient pas ce qu’il allait faire, ce qu’il pouvait faire. Ils n’avaient pas réalisé qui était Jésus … et c’est après, qu’effrayés, ils se demandent : « qui est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Question à laquelle, ils ont déjà la réponse, elle est dans le livre de Job et dans le psaume : celui qui réduit la tempête au silence et qui fait taire les vagues, c’est Dieu lui-même, le Créateur.
Le reproche de Jésus ne porte pas sur la peur du danger, mais sur leur manque de foi. Il ne leur reproche pas d’avoir appelé au secours, parce que, justement, ils n’ont pas appelé au secours. Lorsqu’ils réveillent Jésus, ils ont oublié Dieu, et c’est ça que Jésus leur reproche : « vous ne croyez pas en moi, vous n’avez pas compris que je suis Dieu ». Ce que Jésus leur reproche c’est que les difficultés et la tourmente les éloignent de Dieu, alors qu’ils auraient dû s’en rapprocher. Ils n’ont pas fait le passage que saint Paul décrit dans la lettre aux Corinthiens : ils connaissent Jésus à la manière humaine et non pas à la manière de Dieu. Leur vie est toujours centrée sur eux et non pas sur Jésus.
Et nous ? Que faisons-nous dans les tempêtes de nos vies ? Est que nous les vivons à la manière des hommes en disant « nous sommes perdus » ou bien est-ce que nous les vivons en chrétiens en priant « Dieu viens à mon aide, Seigneur viens vite à mon secours » ? Est-ce que nos difficultés nous éloignent de Dieu ou nous en rapprochent ?
Non pas que Dieu attendrait que nous soyons dans la détresse pour le retrouver, mais parce que Dieu est toujours avec nous, et qu’il l’est aussi dans les difficultés. Chaque fois que nous refusons d’espérer, chaque fois que nous nous plions à la fatalité en disant « c’est fini ! je suis perdu », chaque fois même que nous accusons Dieu en demandant « où est Dieu ? que fait-il ? » nous laissons le mal nous éloigner de Dieu.
Au contraire notre baptême nous invite à vivre en ressuscités. Dans les difficultés de la vie, il nous semble parfois que Dieu semble dormir et ne rien faire. Bien sûr qu’il faut se tourner vers lui. Mais c’est notre foi et notre prière qui doivent le réveiller et non pas notre détresse ou nos cris de désespoir. Ce que Jésus reproche aux disciples c’est ce manque de foi qui les fait paniquer. Car la foi véritable est une confiance inconditionnelle en Dieu, quoiqu’il arrive ! Notre foi ne doit pas être à notre mesure mais à la mesure de Dieu !
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Elle qui est la Vierge de la confiance, le Secours des chrétiens, la Mère de l’Espérance qu’elle nous apprenne à grandir dans la foi, les yeux fixés sur le Christ ressuscité, dans les moments paisibles de la vie, comme dans les tempêtes ; qu’elle nous rappelle qu’en Lui, quoiqu’il arrive, nous ne sommes jamais perdus, mais appelés à vivre de la vie divine, à vivre par Lui, avec Lui et en Lui pour les siècles des siècles.