Père Charles Mallard-Le temps est limité
Le temps est limité
3° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Jo 3,1-5.10 ; Ps 24 ; 1 Co 7,29-31 ; Mc 1,14-20
« Encore quarante jours et Ninive sera détruite », l’avertissement de Jonas, résonne avec celui de saint Paul : « le temps est limité ». Et l’on comprend que le message rejoint celui de Jésus : « convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Il est magnifique d’imaginer la scène et de contempler la force de la Parole de Dieu. Jonas parcourt à peine un tiers de la ville et tous se convertissent et changent de vie. Eh bien laissons-nous guider par notre imagination pour la méditation. Imaginons que quelqu’un passe dans la rue et proclame « encore quarante jours et Toulon sera détruite ». Que ferions-nous ?
La première réaction, c’est peut-être l’incrédulité. On ferme les portes et les fenêtres (surtout en cette saison) pour ne pas être dérangé par ce fou qui passe : on en voit tellement de nos jours ! Mais comme ce n’est pas ce qu’ont fait les habitants de Ninive, il faut se mettre dans la situation où nous reconnaissons qu’il s’agit d’une parole qui vient vraiment de Dieu, une parole qui va se réaliser.
Prenant au sérieux le message : « encore quarante jours et Toulon sera détruite », certains petits malins vont considérer que ça ne les concerne pas, puisqu’ils habitent à La Valette ou à Ollioules. D’autres penseront qu’il suffit de s’en aller, d’aller ailleurs, de mettre un peu de distance avec la catastrophe et de prendre la fuite : quarante jours, c’est largement suffisant pour faire ses bagages et partir. Mais la fuite devant la Parole de Dieu n’est jamais une solution, on ne triche pas avec la Parole de Dieu. D’ailleurs l’avertissement de saint Paul est plus général : « le temps est limité ». C’est plutôt notre vie actuelle qui est visée. Le sens de l’annonce est bien « encore quarante jours et votre vie sera détruite ».
Certains vont se faire fatalistes. On fait son testament, on met les choses en ordre et l’on attend tranquillement la fin des quarante jours. C’est ce qu’un philosophe appelle les « esprits chameaux ». On supporte et l’on croit être vertueux parce qu’on reste inactif. Mais croyez-vous que ce soit ce que voulait le Seigneur ? Des oiseaux qui se cachent pour mourir ? La Parole de Dieu n’est pas faite pour nous paralyser mais pour nous mettre en mouvement. D’autres imaginent sans doute que si on les avertissait que leur vie finirait dans quarante jours, ils en profiteront pour faire ce qu’ils ont toujours voulu faire sans jamais oser franchir le pas. Pour les plus vertueux ce sera un voyage dans un pays exotique ou une expérience enthousiasmante. Pour d’autres ce sera des choses plus ou moins légales. Peu importe après tout, si le temps est limité, il n’y a plus de punition à craindre, autant profiter de la vie. Mais devant la Parole de Dieu, la révolte ne vaut pas mieux que la résignation. Tout au plus dévoile-t-elle la vérité du cœur, les valeurs qui nous animent, les désirs inavoués qui nous font rêver.
Évidemment, la bonne réaction, celle qu’attend le Seigneur, celle qui motive sa parole, c’est celle des habitants de Ninive, celle à laquelle le Christ nous invite, celle que décrit saint Paul : la conversion. S’attacher à ce qui demeure en se détachant ce qui passe. Si ma vie est en Dieu, elle ne sera jamais détruite ; si ma vie résonne de Sa parole, le ciel et la terre passeront, sa parole ne passera pas ; si ma vie est donnée rien ne pourra la détruire. Le prestige, l’argent, la puissance, les biens matériels … ça passe. La considération, l’admiration, le pouvoir, le confort … ça passe. Le plaisir, le bien-être, la bonne santé … ça passe. Il n’y a qu’une seule chose qui ne passe pas c’est le Christ, lui qui nous appelle « Venez à ma suite ».
Oui, le temps est limité ; oui, il y a une certaine urgence à suivre le Christ ; oui, il ne faut pas tarder à tourner nos cœurs et nos vies vers l’Évangile pour vivre déjà au rythme de l’éternité. Il passe, ce monde tel que nous le voyons et il ne faut pas attendre pour s’attacher à celui qui demeure.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Etoile du matin qu’elle affermisse notre foi pour que nous puissions accueillir l’appel du Seigneur qui transforme notre vie. Porte du Ciel qu’elle fortifie notre espérance pour que nous puissions entendre la promesse et nous rendre disponible à la vie éternelle. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraîne dans la charité, et que laissant nos cœurs battre au rythme du cœur de Dieu, nous puissions demeurer en lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.