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Père Charles Mallard-Les différents niveaux de la vie et de l’amour

3 novembre 2024

Les différents niveaux de la vie et de l’amour

31° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Dt 6, 2-6 ; Ps 118 (119) ; He 7, 23-28 ; Mc 12,28b-34

L’évangile que nous venons d’entendre est bien connu ; grande est la tentation de se dire qu’on n’a pas grand-chose à en apprendre qu’on ne sache déjà. Cela dit, la liturgie de la Parole n’est ni un journal ni un roman : son but n’est pas de nous surprendre mais de nous guider. Ce n’est pas parce qu’on sait quelque chose, qu’il serait inutile de se le rappeler. Pourtant, il y a quand même quelque chose d’intrigant dans la conclusion de l’histoire : « Personne n’osait plus interroger Jésus ». Pourquoi ? Le scribe qui interrogeait Jésus se serait-il fait rabrouer ? On connait des rencontres où Jésus a déjoué les pièges qui lui étaient tendus, on comprend alors que l’humiliation de ses adversaires ait dissuadé d’autres tentatives. Mais là, où y a-t-il eu un piège ? Quelle est la réponse cinglante du Seigneur rabaissant l’arrogance de son interlocuteur ? Bien au contraire, les deux semblent d’accord et font assaut d’amabilité « tu as dit vrai » dit l’un, « voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse » commente l’évangéliste.

Reprenons la dynamique du dialogue. Dans un premier temps, la discussion porte sur le premier de tous les commandements. On est donc dans le domaine moral, quand on cherche à savoir ce qu’il faut faire, ce qui est bien, et même ce qui est meilleur. Ensuite le scribe évoque les offrandes d’holocaustes et les sacrifices. On est alors dans un autre domaine : celui du culte et de la religion, quand on cherche à savoir ce qui plait à Dieu. D’ailleurs son expression évoque la parole des prophètes : « c’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices, dit le Seigneur ». On est donc passé de la morale à la religion. Et Jésus répond en disant « tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ». Il déplace encore le sujet pour le situer dans le domaine spirituel, le domaine mystique où il s’agit de la relation à Dieu, de la présence au Seigneur. Ainsi l’on est passé de la morale à la religion et de la religion à la mystique. On peut comprendre que personne ne s’aventure dans ce dernier domaine. Autant on peut discuter de morale et de religion, autant il est téméraire de se hasarder dans les discussions mystiques. Il n’y a guère que Jésus qui puisse prétendre avoir autorité en la matière !

La morale, la religion et la mystique sont trois niveaux différents, même si l’on a parfois tendance à les confondre. On confond morale et religion, comme si le but de la religion était de donner des valeurs. Vous avez sans doute déjà entendu une réflexion du genre « il vaut mieux être un athée généreux qu’un chrétien égoïste » ! Au-delà du sophisme, puisqu’il vaut mieux être un chrétien généreux qu’un athée égoïste, c’est l’exemple typique de confusion entre morale et religion. On mélange deux questions : la question morale de savoir s’il vaut mieux être généreux ou égoïste ; et la question religieuse de savoir si Dieu préfère qu’on soit chrétien ou athée ! On peut confondre aussi religion et vie spirituelle, comme s’il suffisait de dire le chapelet ou d’aller à la messe pour être saints. Malheureusement ça ne suffit pas ! On peut hélas recevoir tous les sacrements sans pour autant avoir une relation de cœur à cœur avec le Seigneur. C’est l’illusion du formalisme, quand on se contente de faire au lieu de chercher à être.

Morale, religion et mystique sont différentes mais elles ne sont pas sans rapports les unes avec les autres. Il y a déjà une sorte de gradation, qui fait que la religion suppose la morale et la mystique suppose la religion. Il n’a pas manqué, au long de l’histoire de gens qui ont prétendu s’affranchir de la morale sous prétexte de religion, d’autres qui prétendaient s’affranchir de la religion sous prétexte de mystique … l’expérience montre que les uns sont odieux, les autres délirants. On ne peut pas prétendre plaire à Dieu sans faire le bien, on ne peut pas s’approcher du Seigneur en ignorant ce qu’il nous demande. Mais surtout, si l’évangile de ce jour nous montre l’existence de ces trois niveaux, c’est qu’il met au cœur le double commandement de l’amour de Dieu et de l’amour des autres. Car l’amour peut se vivre de différentes manières : on peut aimer en faisant le bien, on peut aimer en cherchant à faire ce qui plait à l’autre, on peut aussi aimer en vivant une présence privilégiée. Le grand commandement dont parlent Jésus et le scribe peut se vivre de manière morale, de manière religieuse et de manière mystique. Et puisque nous sommes dans la proximité de la fête de la Toussaint, nous comprenons que nous sommes bien évidemment appelés à vivre l’amour de Dieu et du prochain dans ces trois dimensions, sans négliger la première, sans se contenter de la deuxième, sans renoncer à la troisième.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Mère admirable, qu’elle nous encourage à rechercher le bien en toute chose. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous apprenne à faire ce qui plaît au Seigneur. Reine des Saints qu’elle nous accompagne jusqu’à la plénitude du Royaume, où nous vivrons avec Dieu et demeurerons en lui comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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