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Père Charles Mallard-Les mages ne sont pas des singes

7 janvier 2024

Les mages ne sont pas des singes

Epiphanie du Seigneur

Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3. 5-6 ; Mt 2,1-12

La fête de l’Épiphanie du Seigneur n’est pas une réplique gastronomique ou folklorique de Noël, c’est même une célébration très ancienne qui nous invite à méditer un aspect parfois un peu trop négligé du mystère chrétien : Dieu s’est manifesté pour tous les hommes, tous les peuples sont invités à connaître et adorer l’amour du Seigneur. C’est ce qu’annonçait Isaïe dans la première lecture, c’est ce qu’expliquait saint Paul dans la lettre aux Éphésiens.

La figure de cette fête est évidemment les mages venus d’Orient, dont on dit qu’ils étaient rois et qu’ils étaient trois. Ils sont l’image de cette connaissance de Dieu accessible à tous. Pour méditer sur ce mystère et comprendre comment connaître Dieu, nous pouvons mettre en contraste de l’image des trois mages un autre trio venus d’Orient : les trois singes qui – dit-on – représentent la sagesse. L’un a les mains sur les yeux, l’autre sur la bouche, le troisième sur les oreilles. Sans doute y a-t-il dans cette image des trois singes quelque chose de très vrai et de très vénérable, mais aujourd’hui, les trois mages nous invitent à une autre sagesse pour connaître Dieu.

La première chose, c’est qu’il faut ouvrir les yeux. Comment, en effet, les mages auraient-ils pu « voir son étoile se lever » s’ils n’avaient pas les yeux ouverts pour scruter la nature ? Ces mages sont des savants, au regard curieux pour essayer de comprendre. Et c’est le point de départ de toute démarche vers Dieu. Si nous voulons comprendre Dieu, nous n’avons pas à craindre la science ni la réflexion ! Le Seigneur ne nous demande pas d’être aveugle, mais au contraire de regarder et d’observer. Il nous a donné une intelligence pour comprendre le monde, et le monde nous parle de lui, le monde nous ouvre à sa présence. La première étape du chemin de l’épiphanie, c’est d’essayer de comprendre. Nous ne pourrons jamais voir Jésus si nous gardons les mains sur nos yeux !

Non seulement ils ont les yeux ouverts, mais ils se mettent en marche, et leur marche les conduit à Jérusalem où semble-t-il l’étoile disparaît. Parce qu’aussi perçante que soit notre vue, aussi grande que soit notre science, il arrive un moment où l’on touche ses limites. Alors les mages doivent demander conseil. Ils doivent ouvrir la bouche pour interroger, pour se faire aider. Il ne s’agit pas de parler à tort et à travers, de cancaner ou de pérorer, il s’agit de demander. C’est un autre aspect de la recherche du Seigneur : réaliser que nous avons besoin des autres, que nous ne savons pas tout. C’est une étape qui nous dispose à l’humilité, une disposition essentielle sans laquelle nous ne pourrons pas rencontrer Dieu ! La deuxième condition pour adorer le Seigneur, c’est de ne pas garder les mains sur la bouche mais de prier et de questionner.

Mais ce n’est pas tout de questionner … il faut encore ouvrir les oreilles pour entendre et écouter la Parole de Dieu. C’est cette parole entendue qui va indiquer aux mages la fin du chemin, où d’ailleurs ils retrouvent l’étoile. La Parole ne supprime pas notre connaissance, mais la transfigure et la porte à son achèvement. Ouvrant les oreilles, ils ont encore besoin de leurs yeux ! La foi et la science ne s’opposent pas, elles sont, selon la belle formule de Jean Paul II comme les deux ailes de l’intelligence humaine. La troisième étape du chemin de l’épiphanie demande que nous enlevions nos mains des oreilles pour être entendre la révélation, et c’est à l’écoute de la Parole que nous pourrons parvenir jusqu’à la crèche.

Là, devant l’enfant, l’histoire n’est pas terminée ! Ces mains qui ne sont ni sur les yeux, ni sur la bouche, ni sur les oreilles, sont ouvertes pour offrir l’or, l’encens et la myrrhe. Il ne s’agit plus simplement d’observer, de questionner et d’écouter, il faut encore donner et se donner. Le but de la longue marche des mages n’est pas une curiosité, une aventure ou un apprentissage, mais de se prosterner devant celui qui vient de naître. Si Dieu se manifeste à nous ce n’est pas pour que nous le regardions comme un spectacle, ce n’est pas pour nous ouvrir le bureau des réclamations, ni même pour nous révéler ce que nous ne pouvons pas savoir par nos propres forces ; si Dieu se manifeste c’est pour que nous puissions l’aimer comme il nous aime, et comme son amour est universel, il se manifeste à toutes les nations. Alors, comme les mages qui « rentrent chez eux par un autre chemin », l’adoration nous transforme, pour que nous transformions le monde.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous accompagne dans ce chemin de l’Épiphanie auquel nous sommes invités. Elle qui est l’Etoile du matin, qu’elle ouvre nos yeux pour que nous sachions observer et contempler. Elle qui est la Mère du Bon Conseil, qu’elle ouvre nos bouches pour que nous sachions demander et prier. Elle qui est le Trône de la Sagesse, qu’elle ouvre nos oreilles pour que nous sachions écouter la Parole et la mettre en pratique, ainsi nous pourrons à notre tour adorer celui que nous célébrons et lui offrir l’or de notre foi, l’encens de notre espérance et la myrrhe de notre charité, pour demeurer en lui, comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles

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