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Père Charles Mallard-L’Eucharistie renverse la relation à Dieu

2 juin 2024

L’Eucharistie renverse la relation à Dieu

le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – année B

Ex 24,3-8 ; Ps 115 ; He 9,11-15 ; Mc 14,12-16.22-26

Chaque année, après la Pentecôte, trois grandes fêtes viennent comme en ricochets du don de Dieu, nous inviter à contempler le mystère de l’amour divin. Dimanche dernier c’était la Trinité, vendredi prochain, le Sacré Cœur, et aujourd’hui – puisque la fête Dieu n’est pas fériée dans notre pays – nous célébrons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Les textes qui nous sont proposés cette année insistent sur le sang de l’Alliance. Et il faut bien avouer que cela ne nous est pas très familier ; et même, pour être honnête, la dimension sanguinolente et sacrificielle a quelque chose de révoltant pour la mentalité contemporaine. Pourtant si nous acceptons de ne pas nous laisser arrêter par les aspects un peu dérangeants des textes que nous avons entendus, nous pourrons découvrir trois renversements qui nous permettrons de mieux nous étonner de l’amour de Dieu.

D’abord nous avons entendu le récit de l’Exode qui rapportait la conclusion de l’Alliance entre Dieu et le peuple au temps de Moïse. Banal rituel archaïque ? Bien au contraire ! Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que Dieu propose une alliance à son peuple. Normalement une alliance est demandée par la partie qui se sent la plus vulnérable. C’est le faible qui propose au fort se s’allier. Eh bien ici, l’initiative est renversée : c’est le fort qui propose l’alliance au faible. Cette alliance n’apporte pas à celui qui la propose mais à celui qui l’accepte ! L’initiative n’est pas intéressée, puisqu’elle vient du Seigneur. C’est un premier aspect auquel nous devons veiller dans notre relation à l’eucharistie : ce n’est pas nous qui avons l’initiative, c’est Dieu. Si nous voulons vivre correctement le mystère du Corps et du Sang du Christ, nous devons nous rappeler que c’est une proposition du Seigneur avant d’être notre décision. Ce n’est pas un droit à conquérir, mais un don à recevoir.

Ensuite nous avons entendu l’enseignement de la lettre aux Hébreux qui détaille tout ce qu’il peut y avoir de nouveau dans le sacrifice du Christ. Parmi ces nouveautés, peut-être n’avons-nous pas remarqué ce renversement étonnant : « son sang nous purifie pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant ». Normal ? Pas du tout, parce que normalement c’est le culte qui permet le salut, et non pas le salut qui permet le culte ! On pense qu’il faut rendre des honneurs à Dieu pour s’attirer sa bienveillance, alors que la Parole nous révèle que c’est sa bienveillance qui nous permet de lui rendre honneur. Ce qui pose immédiatement une question par rapport à l’Eucharistie. Humainement nous pensons que la messe est le culte que nous rendons à Dieu, alors qu’elle est ce qui nous permet de rendre un culte au Dieu vivant … Quel est alors ce culte ? Ce que nous faisons de l’eucharistie … D’une certaine manière, c’est en sortant de l’église que commence le culte au Dieu vivant. Et l’on comprend alors que l’Eucharistie n’est pas une fin ou une parenthèse, mais un début et un envoi. C’est d’ailleurs le sens originel du mot « messe » qui signifie « mission ».

Enfin nous avons entendu le récit du repas du Seigneur dans l’évangile de saint Marc. Méfions-nous de croire que nous n’avons rien à y découvrir sous prétexte que nous le connaissons par cœur. Il y a donc là encore un renversement ? Sans aucun doute ! Jésus est là, au milieu de ses disciples, assis avec eux et bien présent puisqu’il préside le repas. Et voilà qu’il dit « ceci est mon corps » « ceci est mon sang ». Bien sûr nous savons qu’il y a quelque mystère puisqu’il est toujours là avec son corps dans lequel circule son sang. Mais le renversement consiste en ce que l’invisible donne du poids et du sens à ce qui se voit, alors que nous avons l’habitude que le visible donne du poids et du sens à ce qui ne se voit pas. Si je dis à quelqu’un que je l’aime mais que je ne fais rien, on a tout lieu de croire que je ne l’aime pas vraiment. C’est en faisant des choses qui se voient que j’exprime ce qui ne se voit pas. Mais dans l’eucharistie, c’est le contraire … J’ai beau multiplier les gestes de dévotions qui se voient, si mon cœur, qui ne se voit pas, ne s’unit pas au Seigneur, la communion n’est qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. Dans l’eucharistie, la forme ne suffit pas, c’est notre disposition intérieure qui compte.

Il y aurait bien sûr, encore beaucoup d’autres choses à dire, mais déjà nous pouvons contempler ce triple renversement qui nous dévoile combien l’Eucharistie change notre relation à Dieu, pour vérifier que nous aimons dans le bon sens. C’est Dieu qui prend l’initiative de l’Alliance et nous devons réaliser à quel point il est premier dans l’eucharistie. C’est le salut qui permet le culte et nous devons réaliser combien la communion est un appel à honorer Dieu par toute notre vie. C’est le mystère qui se manifeste, et nous devons veiller à habiter ce que nous faisons pour le vivre au plus intime de nous-mêmes.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Arche de la Nouvelle Alliance, qu’elle nous apprenne à accueillir le don de Dieu. Porte du Ciel, qu’elle nous montre comment déployer ce que nous avons reçu. Mère du Bel Amour, qu’elle nous accompagne dans le grand mystère qui nous est partagé, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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