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Père Charles Mallard-Moissonneurs de la grâce

18 juin 2023

Moissonneurs de la grâce

11° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A

Ex 19,2-6a ; Ps 99 ; Rm 5,6-11 ; Mt 9,36-10,8

« Jésus voyant les foules, fut saisi de compassion car elles étaient comme des brebis sans berger ». L’introduction de l’évangile du jour est saisissante. Elle nous donne une image très concrète du cœur de Dieu : saisi de compassion pour une humanité désemparée et abattue. Et naturellement la suite du récit enchaîne sur le choix des apôtres et l’envoi en mission. On peut comprendre que, face à l’ampleur de la tâche, il ait besoin de collaborateurs, mais il faut être attentif à l’image qu’il utilise pour ne pas nous tromper sur ce qu’il attend de nous : « Priez donc le maitre de la moisson d’envoyer des ouvriers pour la moisson ». Évidemment, prier ce n’est pas se décharger sur les autres ! Une prière authentique nous engage, et l’on doit être prêt à entendre l’appel du Seigneur à participer à ce que l’on demande. D’ailleurs, ce sont les mêmes à qui il donne ce conseil, et qu’ensuite il envoie en mission.

Donc il s’agit de moissonner. Pas de semer ! Or trop souvent nous pensons que nous semons et que Dieu moissonnera, alors que l’évangile d’aujourd’hui nous dit exactement le contraire : Dieu a semé et nous demande de moissonner. C’est sans doute dans cet esprit que, dans un premier temps, Jésus envoie les disciples vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Comme le rappelait la première lecture, c’est la nation sainte, le royaume de prêtres : c’est là que Dieu a semé en premier et où personne à ce moment ne moissonne ! C’est aussi pour cela que Jésus affirme : « vous avez reçu gratuitement » : on moissonne ce que nous n’avons pas semé. Ainsi la parole de Dieu nous invite à un premier changement de regard : reconnaître ce que Dieu a préparé chez ceux que nous rencontrons. Ne croyons pas trop vite que nous avons et que les autres n’ont pas, mais apprenons à reconnaître ce que Dieu a mis au cœur des autres et qui demande à être recueilli. La mission n’est pas une conquête ou une puissance, mais le service de Dieu dans le service des autres.

Cela ne veut pas dire que tout vienne de Dieu et que nous devons tout accepter. Sans doute n’y a-t-il pas beaucoup d’experts en agriculture parmi nous, mais nous pouvons comprendre qu’on ne moissonne pas comme on vendange, ou qu’on ne ramasse pas du blé comme on cueille des pommes ! Il y a bien un discernement à avoir, et une proportion de moyens à rechercher. On ne moissonne pas n’importe quoi, n’importe comment. Voilà pourquoi saint Paul invitait les Romains à contempler la mission du Christ : « nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ ». Comment reconnaitrions-nous la grâce si nous n’écoutons pas la parole de Dieu ? Et reconnaissant ce que le Seigneur a semé chez les autres, comment pourrions-nous le recueillir si nous ne sommes pas nous-mêmes enracinés en lui ? Méfions-nous des recettes magiques ou des solutions toutes faites : c’est le meilleur moyen d’une mission inadaptée.

Enfin, on nous demande de moissonner, pas de glaner. Celui qui glane, c’est celui qui passe après le moissonneur pour récolter ce qui reste à son propre profit. Or il y a bien un maitre de la moisson qui envoie pour sa moisson. Peut-être est-ce là le défi spirituel le plus important : ne pas travailler pour nous, mais pour Dieu. « Donnez gratuitement » dit Jésus à ses disciples, il ne s’agit pas seulement d’imiter la générosité divine mais aussi d’avoir un détachement qui n’est pas de l’indifférence mais de l’humilité. Tant pis pour l’égratignure narcissique, la mission n’est pas au service de notre gloire mais notre service à la gloire de Dieu. « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire pour ton amour et ta vérité » dit le psaume 113B (115). C’est une bonne prière de moissonneur, pour rester non seulement en tenue mais en esprit de service.

Ainsi nous sommes invités à entendre l’appel du Seigneur à être des moissonneurs de sa grâce, là où nous sommes. Moissonneurs et non pas semeurs, car c’est Dieu qui met au cœur de ceux que nous rencontrons ce que nous devons reconnaître. Moissonneurs et non pas vendangeurs puisque la parole qualifie notre mission. Moissonneurs et non pas glaneurs pour que nous restions dans une dynamique de service où nous donnons gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette Parole et à la mettre en pratique. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle ouvre nos yeux au don de Dieu au cœur de ceux que nous croisons. Trône de la Sagesse qu’elle nous apprenne à nous laisser guider par la Parole et par l’Esprit de celui qui nous appelle à œuvrer pour sa moisson. Reine des Apôtres, qu’elle nous garde dans l’humilité du serviteur pour que nous puissions déployer ce que nous avons reçu et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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