Père Charles Mallard-Ne pas gaspiller le don de Dieu
Ne pas gaspiller le don de Dieu
19° Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
1 R 19, 4-8 ; Ep 4, 30-5,2 ; Jn 6, 41-51
L’histoire d’Elie dans le désert est très parlante : il vient de massacrer 450 prophètes protégés par la reine lors d’une sorte de concours de sacrifices sur le mont Carmel. C’était pour la gloire de Dieu, sans doute, mais c’est une gloire qui lui coûte cher puisqu’il doit fuir l’hostilité des puissants. Et le voilà qui s’enfonce dans le désert pour aller jusqu’à la montagne du Seigneur. L’épreuve est ardue, au-dessus de ses forces. Heureusement un ange lui apporte de quoi se restaurer et aller jusqu’au bout du chemin. Mais la première fois, Elie, après avoir mangé et bu, se rendort. Il faut que l’ange le réveille une deuxième fois et lui dise que le don de Dieu n’est pas fait pour se laisser mourir mais pour qu’il puisse parcourir le reste du chemin. C’est une image saisissante que l’ange doive s’y reprendre à deux fois pour que Elie se remette en route. Elle nous avertit d’un risque : celui de gaspiller le don de Dieu.
Le premier don que nous recevons, c’est la Parole du Seigneur. Dans l’évangile Jésus prévient : « quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi ». Comme pour éviter qu’écoutant la Parole de Dieu, on ne bouge pas. Car la Parole de Dieu n’est pas un simple monument littéraire, elle n’est pas non plus un alibi pour conforter nos opinions, ni même le guide d’une vie tranquille. La Parole de Dieu est d’abord une promesse qui nous montre le chemin à parcourir pour aller à la rencontre du Seigneur. Si, quand nous lisons la Bible, nous en restons aux idées et aux principes ; si elle n’est qu’un récit ou un recueil de valeurs ; si la Parole de Dieu ne nous fait pas progresser vers le Seigneur, alors c’est que nous nous sommes recouchés après l’avoir entendue. Le don de la Parole est pour l’espérance, pour faire grandir en nous le désir de la vie éternelle et l’assurance du salut. La Parole ne nous est pas donnée pour que nous restions sur place mais pour que nous avancions vers l’éternité.
Le discours du pain de vie, dont l’évangile d’aujourd’hui est le commencement, et qui nous guidera tout au long du mois, nous invite aussi à considérer un autre don de Dieu : l’eucharistie, le corps du Christ. Pourquoi nous est-il donné, si ce n’est pour la foi ? L’eucharistie est beaucoup plus qu’un symbole ou un rituel, elle est une présence mystérieuse et réelle. Si nous ne voulons pas croire que nous recevons le Christ lui-même dans l’hostie, ce n’est pas la peine de la recevoir ! Sans doute est-ce que ce n’est pas évident, sans doute est-ce que cela dépasse ce dont nous avons l’habitude, mais justement, c’est bien pour cela que recevoir l’eucharistie est un acte de foi. Car pour reconnaître le Corps et le Sang du Christ dans le pain et le vin consacrés, il faut accepter que l’invisible nous dépasse même quand nous nous en approchons. Si l’Eucharistie ne nous rend pas plus attentifs à la présence du Christ, alors c’est que nous nous sommes recouchés après l’avoir reçue. Le don de l’Eucharistie est pour la foi, pour faire grandir en nous la confiance et la disponibilité à Dieu. L’Eucharistie ne nous est pas donnée pour que nous restions sur place mais pour que nous avancions dans la présence à la présence.
Enfin, la deuxième lecture évoquait aussi l’Esprit-Saint qui est le Don de Dieu par excellence. Et saint Paul donnait cet avertissement poignant : « n’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu ». C’est toujours la même dynamique dont nous sommes prévenus : ne pas gaspiller le don de Dieu. Le sceau de l’Esprit Saint n’est pas une médaille que nous avons reçue au baptême et à la confirmation. C’est un souffle dont nous sommes rendus capables, encore faut-il éviter toute espèce de méchanceté comme disait l’apôtre. Parce que l’Esprit-Saint nous est donné pour que nous puissions imiter Dieu et aimer comme il aime. Si l’Esprit-Saint ne nous fait pas grandir dans la charité, alors c’est que nous nous sommes recouchés au lieu de nous laisser entrainer. Le Don de Dieu est pour la charité, pour élargir notre cœur aux dimensions du cœur de Dieu et nous rendre toujours plus ressemblant au Père des miséricordes.
Oui, l’image d’Elie qui se recouche une première fois, après avoir mangé et bu ce que lui apportait l’ange dans le désert nous prévient de ne pas gaspiller le don de Dieu, mais de le recevoir en acceptant qu’il serve à nous faire progresser dans l’espérance, dans la foi et dans la charité.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle nous encourage à nous laisser guider par la Parole de Dieu. Arche de la Nouvelle Alliance qu’elle nous fortifie dans la foi pour que nous puissions reconnaître la présence du Christ auprès de nous. Mère du Bel Amour qu’elle nous entraine dans le souffle de l’Esprit pour que nous puissions aimer comme nous sommes aimés, et demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.