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Père Charles Mallard-Quand Jésus soupire

8 septembre 2024

Quand Jésus soupire

23* Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Is 35, 4-7a ; Ps 145 (146) ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-35

Le texte que nous venons d’entendre correspond bien à ce que nous goûtons habituellement dans l’évangile. Une histoire qui se finit bien, où Jésus soulage un homme qui souffrait. Il y a même quelques détails sympathiques : des gens qui prennent soin de l’infirme et qui l’amènent à Jésus pour qu’il pose sa main sur lui : témoignage de leur foi mais aussi de leur solidarité. Un enthousiasme de la foule qu’on ne peut pas faire taire. Un miracle qui rappelle les signes qu’annonçait Isaïe et qui révèle la mission divine du Seigneur. Et même ce mot araméen « Effata » que saint Marc se donne la peine de garder et de traduire, et qui témoigne que la scène a tellement marqué les apôtres que le geste est repris dans le rituel du baptême depuis la plus haute antiquité.

Pourtant, dans les séries des détails, il y en a un qui peut surprendre : « les yeux levés au ciel, Jésus soupira ». Étonnant ! Surtout que quelque temps après, Jésus soupire aussi quand il est exaspéré par le manque de foi des pharisiens qui ne cessent de demander un signe. Jésus serait-il agacé de devoir guérir ce pauvre homme ? Si les deux expressions ne sont pas rigoureusement les mêmes, essayons surtout de comprendre ce que le soupir de Jésus nous révèle de son cœur.

D’abord un soupir est le signe d’une difficulté. On ne soupire pas quand on est enthousiaste, mais plutôt lorsqu’on est contrarié ou fatigué. On imagine souvent que Dieu guérit dans la joie et la bonne humeur, comme si tout était facile pour lui. Mais non. Il soupire. Il est fatigué. Les pères disent que Jésus soupire parce qu’il prend sur lui la fatigue du monde. Il n’est pas une machine à miracle, l’œuvre de salut n’est pas une formalité pour lui. C’est aussi pour cela que Jésus prend l’homme à l’écart de la foule : il ne s’agit pas de se donner en spectacle mais de guérir une personne. D’une certaine manière, ce soupir annonce le mystère de la croix. Il ne s’agit pas d’un soupir d’agacement mais de compassion.

Ensuite, le soupir est une manière de reprendre des forces, c’est le signe de la persévérance, comme une manière de dire « ce n’est pas que ça m’amuse, mais on va faire quelque chose ». C’est l’expression de la volonté qui se met en marche au-delà du plaisir, de celui qui ne fait pas ce qui lui plaît, mais ce qu’il peut et ce qu’il faut. Soupirer est une manière de relever les manches avant l’effort. Si Jésus lève d’abord les yeux au ciel, ce n’est pas pour le prendre à témoin de son impuissance, mais pour se remettre dans la dynamique de sa mission. Il y a quelque chose de l’implication, de la décision. Et cette implication, cette décision manifestent la vraie nature de la fidélité qui n’est pas de se laisser porter par les éléments ou les sentiments, mais de refuser la fatalité. Le soupir de Jésus n’est pas un soupir de résignation, mais d’engagement.

Enfin le soupir consiste à souffler, « plus fort et plus longuement que d’ordinaire » dit le dictionnaire. On sait que dans la Bible le souffle et l’esprit sont une même réalité. Quand Jésus souffle, c’est souvent une manière de manifester le don de l’Esprit Saint. Il va donc communiquer ce qu’il a reçu dans la prière, dans ce double mouvement de la respiration où l’on expire ce que l’on a inspiré, en donnant ce que l’on reçoit. Il y a donc un surcroit de vie, une emphase de l’amour, où Jésus donne plus sans se contenter de l’ordinaire. Ce n’est pas un soupir de délaissement mais un soupir de don.

Si l’on ne s’attend pas à voir Jésus soupirer au moment d’accomplir sa mission, c’est qu’on à tendance à croire que Dieu est à notre service, que c’est facile pour lui, que ça ne lui coûte rien. Mais le soupir de Jésus nous révèle que Dieu n’est pas insensible, qu’il n’est pas indifférent. Ce soupir annonce la passion en nous montrant que – pour nous – Dieu accepte d’affronter la fatigue et la contrariété, il accepte de s’impliquer et de s’engager, il donne et se donne avec surabondance.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à contempler cette Parole, à entrer dans ce qui nous est révélé du cœur de Dieu. Notre Dame des Douleurs, qu’elle nous apprenne à reconnaître la compassion divine. Consolatrice des affligés qu’elle nous montre comment persévérer dans l’engagement qui répond à la fidélité du Seigneur. Mère de Miséricorde, qu’elle ouvre nos cœurs et nos vies au Don de Dieu pour que nous puissions partager sa gloire dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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