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Père Charles Mallard-Quand notre horizon n’est plus la mort mais la vie

17 mars 2024

Quand notre horizon n’est plus la mort mais la vie

5° dimanche de Carême – Année A

Ez 37,12-14 ; Ps 129 ; Ro 8,8-11 ; Jn 11,1-45

Accompagnant les catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques, nous nous laissons examiner par la Parole de Dieu pour qu’elle éclaire ce qui en nous doit être transformé par la puissance de l’Esprit. Aussi après la rencontre de la Samaritaine et la guérison de l’aveugle né, c’est aujourd’hui la résurrection de Lazare qui tourne nos cœurs vers le troisième signe du don de Dieu : après l’eau et la lumière, la vie. S’il s’agit surtout de la vie nouvelle ou de la vie éternelle, il ne faut pas croire pour autant qu’il s’agit d’une idée abstraite ou lointaine. « Sitôt qu’un homme né, il est assez vieux pour mourir » disait un philosophe ; l’évangile affirme au contraire que « celui qui croit [en Jésus], même s’il meurt, vivra ». Et cela change tout ! Voyons de plus près ce qui se passe quand on choisit la vie plutôt que la mort comme horizon.

Tout d’abord il y a cette réflexion de Thomas : « allons, nous aussi, pour mourir avec lui ». Sublime attachement au Seigneur, admirable dévouement au maître. Il y a quelque chose d’héroïque dans cette réflexion de l’apôtre. Pourtant Jésus a une tout autre attitude : la compassion. « Alors Jésus pleura ». C’est le plus court verset de la Bible, peut-être aussi le plus dense. Et voilà ce qui change quand on passe de la mort à la vie comme horizon, on passe de l’héroïsme à la sainteté. Le héros défie la mort, tandis que le saint habite la vie. Le héros s’affirme dans une tragique prétention à rester le maitre de la mort, tandis que le saint déploie toutes les saveurs de la vie, même quand elles ont le goût amer des larmes. Le saint ne choisit pas seulement ce qui est agréable, il accepte ce qui vient, confiant que l’Esprit est présent à chaque instant pour nous conduire et nous épanouir.

Ensuite il y a les remarques de Marthe et de Marie, qui rejoignent celles de la foule : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort », « ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Une sorte de reproche plein de tendresse qui jaillit de la triste déception devant l’inévitable. Car la mort, comme la souffrance, est toujours révoltante et l’aveu de notre impuissance se fait accusation du Seigneur. Il faut bien un coupable, il faut bien que quelqu’un soit responsable de ce que l’on ne peut pas maitriser. Mais Jésus répond en interpellant : « crois-tu cela ? ». C’est un deuxième changement quand on choisit la vie comme horizon plutôt que la mort, on passe de l’accusation à la confiance. La vie comme la mort nous dépassent et contredisent notre besoin de tout contrôler. Nous pouvons reporter sur Dieu la frustration de la mort, ou rester disponible à la vie que nous avons reçue.

Enfin, devant le tombeau de Lazare, Jésus demande « enlevez la pierre » et encore « déliez-le et laissez-le aller ». Il n’agit pas tout seul, mais invite ceux qui l’entourent à s’investir, à participer. Il n’en reste pas aux larmes de Marie et de ses amis, il propose à Marthe de ne pas se résigner à la fatalité du temps qui passe. Si notre horizon est la mort, il faut bien finir par dans la résignation, mais si notre horizon est la vie, nous sommes appelés à la servir. C’est le troisième changement : on se résigne à la mort, mais on sert la vie. C’est que la mort isole tandis que la vie rapproche. Selon que l’on va vers la mort ou la vie, il faut baisser les bras ou retrousser les manches. La civilisation de mort est un vertige qui nous entraine vers le néant ; la civilisation de vie est un dynamisme qui nous pousse en avant. Nous savons bien ce que le Seigneur nous propose, mais il nous appartient de l’accepter et de le choisir.

Le mystère de Pâques dans lequel nous a plongé le baptême nous invite à recevoir la vie comme horizon de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. C’est le choix de la sainteté plutôt que de l’héroïsme, le choix de la confiance plutôt que de la révolte, le choix du service plutôt que de la résignation.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Porte du Ciel qu’elle ouvre nos oreilles à l’appel du Seigneur pour que nous avancions dans l’espérance. Consolatrice des affligés qu’elle ouvre yeux à la présence de Dieu pour que nous soyons fortifiés dans la foi. Mère du Bel Amour qu’elle ouvre nos cœurs à la vie éternelle pour que nous déployons la charité et que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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