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Père Charles Mallard-Seigneur, donne-moi de cette eau

3 mars 2024

Seigneur, donne-moi de cette eau

3° Dimanche de carême – 1er scrutin

Ex 17,3-7 ; Ps 94 ; Rm 5,1-2.5-8 ; Jn 4,5-42

Cette année, accompagnant les catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques, nous entendrons les textes qui traditionnellement préparent au baptême en déployant les signes du grand mystère : l’eau avec la rencontre de la samaritaine, la lumière dans la guérison de l’aveugle né et la vie par la résurrection de Lazare. Cela explique que ce qui a été lu n’était sans doute pas ce que vous aviez dans vos missels … j’espère que cela vous a permis, non pas de vous énerver contre les lecteurs, mais d’être plus attentifs à la proclamation de la Parole !

Pour aujourd’hui, laissons-nous scruter par la rencontre entre Jésus et la samaritaine. Cette rencontre n’avait pas très bien commencé. La samaritaine est perplexe, méfiante et un peu ironique. Pourtant, quand Jésus lui parle de l’eau vive, son comportement change, et elle commence à l’appeler « Seigneur » en lui demandant « donne-moi de cette eau ». C’est le retournement auquel nous sommes invités aujourd’hui, la prière que nous pouvons faire.

« Seigneur, donne-moi de cette eau ». La femme explique la raison de cette demande : cela lui éviterait la pénible tâche de venir chaque jour jusqu’au puits. C’est une prière qui fait écho – en moins dramatique – au cri du peuple dans le désert aux jours de Massa et de Mériba. « Seigneur, donne-moi de cette eau », c’est une manière de réaliser à quel point nous avons besoin de Dieu, combien une existence sans lui est précaire et fragile. La foi commence lorsque nous acceptons de dépendre du Seigneur. Choisir le Christ n’est pas une coquetterie intellectuelle, ni une habitude même familiale, c’est un élan profond, comme une soif, qui nous fait nous tourner vers lui en demandant « Seigneur, donne-moi de cette eau ». Pendant ce temps de carême ne fuyons pas notre pauvreté, ne craignons pas de soupirer vers le Seigneur, d’éprouver le désir de sa présence.

« Seigneur, donne-moi de cette eau ». La samaritaine a bien compris qu’il ne s’agissait pas d’une eau ordinaire. Le Christ n’est pas un banal robinet pour le confort du quotidien. Alors la demande se fait plus spirituelle : « où faut-il adorer ? ». C’est qu’il ne suffit pas de désirer le Seigneur, il faut aussi le rejoindre. « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer » répond Jésus. C’est le deuxième changement auquel nous entraîne la prière « donne-moi de cette eau » : s’ouvrir aux réalités divines. « Jésus nous a donné, par la foi, l’accès à la grâce dans laquelle nous sommes établis » disait saint Paul dans la lettre aux Romains. L’espérance commence quand nous ne vivons plus à l’horizon de la terre, mais du ciel. Le carême est aussi le temps où nous levons les yeux pour nous attacher à ce qui demeure en se détachant de ce qui passe, pour adorer mais aussi agir et réagir en esprit et en vérité, pour regarder le monde avec les yeux de Dieu, sans arrogance ni complotisme, en se laissant simplement conduire par son Esprit.

« Seigneur, donne-moi de cette eau ». Jésus avait promis « l’eau que je donnerai deviendra une source jaillissant pour la vie éternelle ». À l’image des torrents de montagne, l’eau ne garde sa fraicheur que si elle continue de couler, sinon elle croupit. Ainsi l’eau vive n’est pas à garder jalousement, mais à répandre généreusement. Et c’est bien ce qui se passe pour la Samaritaine qui se fait missionnaire et va prévenir les habitants de la ville, pour qu’ils rencontrent à leur tour celui qu’elle a rencontré. C’est le troisième changement auquel on consent en demandant au Seigneur de nous donner de cette eau. L’amour de Dieu répandu dans nos cœurs n’est reçu que s’il est partagé. Le temps de carême n’est pas un temps de repli sur soi, il ne nous enferme pas dans un face à face avec le Seigneur mais il nous ouvre aux dimensions de son cœur. C’est même à la mesure de notre disponibilité aux autres que nous vérifions l’authenticité de notre disponibilité à Dieu.

Laissons-nous entrainer par la prière de la Samaritaine : « Seigneur donne-moi de cette eau ». Une prière qui nous ouvre à la foi en nous faisant accepter d’avoir besoin de Dieu ; une prière qui nous introduit à l’espérance en nous invitant à être en esprit et en vérité ; une prière qui nous entraine dans l’amour de Dieu en nous envoyant partager ce que nous avons reçu.

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Consolatrice des affligés, qu’elle tourne nos cœurs vers le Seigneur par la confiance. Porte du Ciel, qu’elle tourne nos yeux vers la vie éternelle par l’espérance. Mère du Bel Amour, qu’elle tourne nos vies vers les autres par la charité, pour que nous puissions demeurer en Dieu comme il demeure en nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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