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Père Charles Mallard-Une ambition à la mesure du Christ

20 octobre 2024

Une ambition à la mesure du Christ

29ème dimanche du Temps Ordinaire – année B

Is 53,10-11 ; Ps 32 ; He 4,14-16 ; Mc 10,35-45

Si les enjeux n’étaient pas si importants, la situation que rapporte l’évangile d’aujourd’hui pourrait être amusante. Le dialogue entre Jésus et Jacques et Jean donne l’impression que le Seigneur a été plus malin que les fils de Zébédée ; ensuite face à l’indignation des dix autres, dont on pressent qu’elle est plus motivée par la jalousie que par la vertu, Jésus prend encore les disciples à contrepied en les renvoyant à l’essentiel pour les sortir de la mesquinerie des vanités. Mais bien au-delà d’une astuce oratoire ou d’une affirmation philosophique, c’est la participation à la gloire de Dieu et la mission du Christ qui sont au cœur des répliques du Seigneur. Ce qui est en jeu dans cette scène, c’est la nature de nos ambitions spirituelles plutôt que des chicaneries de préséance. Et pour nous montrer ce que nous devons désirer, Jésus invite à trois changements de perspective.

D’abord il faut remettre à sa place ce que nous recevons et ce que nous donnons. Lorsque Jacques et Jean s’adressent à Jésus, tout est à sa charge. « Nous voudrions que tu fasses » ; « donne-nous » disent-ils. Apparemment, rien que de très normal pour une prière. Le ton est plutôt respectueux (encore que l’introduction soit un peu fourbe). Car, enfin, quand on demande quelque chose à quelqu’un, c’est bien pour qu’il agisse ! Or quelle est la réponse de Jésus ? « Pouvez-vous » ? Il ne s’agit pas tant de répondre à une question par une question, c’est surtout renverser la charge de l’action. Ce n’est pas tant Jésus qui doit faire, ce sont les disciples qui doivent faire. Voilà un premier changement de perspective dans la prière, pour paraphraser la fameuse expression de Kennedy, nous devrions plus souvent nous demander ce que nous pouvons faire pour Dieu au lieu de nous demander ce que Dieu peut faire pour nous.

Ensuite il faut remettre à leur place la volonté de Dieu et notre propre volonté. C’est ce que montre la réponse de Jésus : « quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ». Certains disserteront sur la répartition des rôles dans la Trinité, mais ce que montre la remarque de Jésus, c’est surtout qu’il respecte la liberté du Père. On sait bien qu’il y a des choses qu’il serait incongru ou indécent de demander à Dieu, et pourtant, combien de fois nous demandons d’abord au Seigneur ce que nous voulons, au lieu de chercher à faire ce qu’il veut ! Subtilement la prière se fait marchandage : Seigneur, si je fais telle chose, accorde moi telle faveur. Comme si Dieu était notre obligé, comme si la prière était un contrat. Bien sûr, on n’aura jamais l’outrecuidance de prétendre être les maîtres, mais concrètement on attend plutôt d’être servi plutôt que de servir. C’est un deuxième changement de perspective dans notre relation à Dieu. Faire passer la volonté de Dieu avant notre volonté. Cela ne signifie pas que nous ne devions rien vouloir, mais qu’au moins nous soyons attentifs à respecter la liberté du Seigneur.

Enfin il y a la réponse de Jésus à l’indignation des dix qui se sont fait griller la place par l’audace des fils de Zébédée. Jésus ne condamne pas l’ambition : « celui qui veut devenir grand » ; « celui qui veut être le premier » … il est donc légitime de vouloir être grand, de vouloir être premier. Mais les conditions de cette ambition ne sont pas celles des hommes. Il ne s’agit pas d’être le maître mais le serviteur ; il ne s’agit pas de faire sentir le pouvoir mais de se mettre au service. Pourtant il est facile de comprendre qu’il ne s’agit pas de renverser une pyramide hiérarchique. Le changement que propose Jésus n’est pas un changement institutionnel, mais un changement d’esprit. Car le serviteur a toujours un pouvoir, c’est même ce qui lui permet de servir. Ce qui importe c’est la manière d’exercer ce pouvoir, c’est que le pouvoir soit utile à celui qui en bénéficie avant de l’être à celui qui l’exerce. Et la conclusion de l’évangile donne la raison de ce changement : il s’agit de faire comme le Fils de l’homme, c’est-à-dire comme Jésus, lui qui est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour la multitude.

Ainsi, c’est le Christ qui doit être la mesure de notre ambition. C’est à la mesure que nous l’imiterons, que nous progresserons. De la même manière, il proposait à Jacques et Jean de boire à la coupe qu’il boira ; d’être baptisé du baptême dans lequel il sera plongé. De la même manière aussi il les invitait à respecter, comme lui, ce que le Père a prévu sur les sièges à sa droite et à sa gauche. Si Jésus prend les disciples à contrepied, c’est pour qu’ils changent de perspective dans leurs désirs, dans leurs résolutions, dans leurs ambitions, et que le Christ soit le centre, le modèle et le but de leur cœur

Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Trône de la Sagesse qu’elle nous encourage à donner plutôt qu’à recevoir, surtout dans la prière. Humble Servante du Seigneur qu’elle nous apprenne à préférer la volonté du Père plutôt que notre volonté. Miroir de la Sainteté de Dieu qu’elle nous accompagne sur le chemin tracé par le Christ, pour que nous lui ressemblions toujours plus et que nous puissions demeurer auprès de lui, comme il demeure avec nous, dès maintenant et pour les siècles des siècles.

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