Père Charles Mallard-La Vocation de la famille
La Vocation de la famille
Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph – année B
Gn 15,1-6 ; 21,1-3 ; Ps 104 ; He 11, 8.11-12.17-19 ; Lc 2,22-40
Dans la grande semaine qui suit la Nativité du Seigneur, nous sommes invités à méditer et à approfondir le sens de ce qui a commencé dans la nuit de Bethléem. Et le dimanche c’est vers la Sainte Famille que nous tournons nos regards. Cette année, c’est donc l’évangile de la présentation au Temple qui nous est proposé.
C’est un récit dense qui offre de nombreux sujets de méditation, en particulier à travers les figures de Siméon et d’Anne qui témoignent de la vocation de l’enfant. Mais il y a un détail qui pourrait nous échapper, et ce serait dommage. On pourrait penser que les deux rappels de la Loi se rapportent à la même démarche : on imagine que Marie et Joseph offrent « un couple de tourterelles ou deux petites colombes » pour consacrer leur garçon premier né. Mais en fait l’offrande concerne la Purification de Marie et non pas la consécration de l’enfant. L’habitude était, en effet, que les parents, présentant leur enfant au Seigneur pour le consacrer, « rachètent » celui-ci avec une somme d’argent. On peut donc penser que Joseph et Marie viennent confier Jésus au Temple pour qu’il y soit élevé et qu’il serve Dieu depuis son plus jeune âge. Or voilà qu’on leur rend l’enfant : c’est à eux de l’élever, c’est à eux que le Seigneur confie le soin de veiller sur lui. Rien de plus normal, pensez-vous … et pourtant rien de plus admirable que ce message : ce n’est pas au Temple, mais c’est à la famille de former et d’éduquer le Serviteur de Dieu. La lumière des nations ne s’épanouit pas dans l’enceinte sacrée où l’on offre les sacrifices, mais au cœur d’une famille de Nazareth.
Là, dit l’évangéliste, « l’enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui ». Voilà qui va nous permettre d’approfondir ce qu’on attend d’une famille. D’abord il s’agit de grandir et de se fortifier. Cela peut paraître bien banal, et pourtant nous savons combien cela suppose de soins attentifs. Il s’agit de nourrir et d’entourer. Les sciences modernes nous ont sensibilisé à l’importance d’une alimentation saine et équilibrée pour la croissance d’un enfant. Il ne s’agit pas de faire porter aux parents une charge excessive, et tout ne dépend pas d’eux, mais ils ont une vraie responsabilité : c’est un véritable engagement. Il y a quelque chose de la réalité de l’Incarnation qui se joue dans la sainte Famille. Pour que le Verbe fait chair puisse grandir et se fortifier, il a fallu que ses parents s’occupent de lui, le nourrissent et le soignent. C’est la condition de tout homme, c’est aussi la condition de Jésus.
Il était rempli de sagesse. Voilà une qualité qui ne nous surprend pas chez le fils de Dieu, mais elle met en lumière un autre aspect du rôle de la famille. A quoi servirait la sagesse si elle ne peut s’exprimer ? Ce n’est pas Marie et Joseph qui donnent à Jésus sa sagesse, mais ils doivent lui permettre de se manifester. Le rôle de la famille n’est pas d’être un moule où l’on fabrique des individus identiques, mais un terreau qui permet à chacun de déployer sa vocation. Il ne s’agit plus de donner ce qui est nécessaire, mais de permettre ce que le Seigneur attend de chacun. Et ce n’est pas le moindre défi pour des parents que d’accepter que leurs enfants soient différents d’eux ! C’est le défi de l’éducation qui n’est pas un formatage mais un accompagnement. C’est là que la famille dépasse le rôle nourricier, que l’on partage avec les animaux, pour devenir une réalité spécifiquement humaine permettant le déploiement de la personne. Une manière de coopérer à l’œuvre de Dieu, ce qui requiert humilité et disponibilité.
Enfin la grâce de Dieu était sur lui. Là encore cela ne nous surprend pas pour Jésus, même si l’on peut espérer que c’est le cas de chacun de nous. Mais qu’est-ce que cela implique pour la Sainte Famille ? Justement d’être sainte, c’est-à-dire accueillante et disponible à la grâce. Jésus ne grandit pas dans un sanctuaire de pierres, mais dans un sanctuaire d’amour, d’un amour qui prend sa source et son souffle en Dieu. Les paroles de Siméon à Marie désignent déjà le mystère Pâques, pour nous rappeler que la sainteté n’est pas un long fleuve tranquille mais la force d’un dépassement où les épreuves sont l’occasion d’un amour plus fort, comme elles étaient pour Abraham et Sarah l’occasion d’une foi plus grande. Et cette troisième dimension nous fait entrevoir combien la famille n’est pas seulement une institution naturelle ni un choix philosophique, mais une réalité spirituelle. En grandissant dans une famille, Jésus assume notre condition humaine, et révèle la vocation de toute famille à la sainteté.
En ce dimanche de la Sainte Famille, nous ne contemplons pas seulement un aspect du mystère de Noël, mais nous sommes invités aussi à découvrir la vocation de nos familles. Un lieu où l’on se donne et prend soin de chacun ; un lieu où l’on s’accompagne et où l’on reçoit les uns des autres ; un lieu qui nous tourne vers le don de Dieu pour que nous devenions le sanctuaire de la présence du Seigneur.
Que la Vierge Marie, Avocate des Toulonnais, nous aide à entendre cette parole et à la mettre en pratique. Secours des Chrétiens qu’elle veille sur nous comme elle a veillé sur Jésus ; Mère du Bon conseil qu’elle nous accompagne pour que nous puissions déployer le don de Dieu ; Porte du Ciel qu’elle nous rende disponibles à la présence de Celui qui est venu partager notre condition humaine pour que nous puissions partager sa gloire, dès maintenant et pour les siècles des siècles.